Procédures d'insolvabilité :
Réformer le droit pour sauver le plus d'emplois
Vers un renforcement de la coopération et de la coordination entre les juridictions des Etats européens
Dans le cadre de la révision du règlement européen du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, le ministère de la Justice a organisé un colloque le 8 novembre 2012. L'occasion pour les praticiens, les universitaires et les représentants d'autres organisations publiques européennes de réfléchir ensemble aux enjeux du futur règlement européen.
Le règlement européen du 29 mai 2000, entré en vigueur le 31 mai 2002, établi des normes communes à tous les pays de l'Union européenne en ce qui concerne le tribunal compétent pour l'ouverture de la procédure d'insolvabilité et la reconnaissance des décisions en cas d'insolvabilité que le débiteur soit une société, ou une personne physique.
La Commission européenne envisage de réviser ce règlement européen. L'objectif : appréhender la situation des groupes de sociétés, sans favoriser le « forum shopping », c'est-à-dire en évitant que le débiteur ne puisse choisir le lieu d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité et la loi applicable, afin de bénéficier d'un meilleur traitement. Pour cela, il est apparu nécessaire de renforcer la coopération et la coordination entre les juridictions des Etats européens.
Le Professeur Philippe Roussel-Galle a souligné d'emblée qu'il existait un fossé entre la notion de coopération qui suppose un échange d'égal à égal, et celle de coordination qui évoque l'idée d'une hiérarchie entre les juridictions.
Renforcer la coopération entre les juridictions des Etats européens
Dean Beale, représentant du ministère britannique de la Justice, a rappelé la nécessité d'un cadre harmonisé entre les pays européens et le Royaume-Uni concernant le droit de l'insolvabilité.
Alexander Bornemann, son homologue allemand, a relevé les difficultés matérielles que posait la coopération entre les juridictions notamment en raison des différences de langues. Il a également indiqué que la coopération entre les tribunaux existait déjà en Allemagne et qu'il était indispensable de la mettre en place dans l'Union afin d'obtenir des décisions cohérentes.
Le magistrat Patrick Rossi a insisté sur la nécessité d'appréhender la situation des groupes de sociétés en transposant les procédures déjà existantes en matière de coopération entre les syndics à la coopération entre les juridictions (les syndics étant des personnes ou des organismes qui administrent ou liquident les biens dont le débiteur est dessaisi ou qui surveillent la gestion de ses affaires).
Le Professeur Yves Chaput s'est réjoui du texte à venir en le qualifiant de "révolutionnaire" en ce que la vision débiteur-créancier sera abandonnée au profit de la vision influence économique/influence financière, c'est-à-dire au profit d'une vision plus pragmatique visant à sauver les entreprises.
Jérôme Carriat, représentant de la Commission européenne, a pris bonne note des différentes suggestions préconisant d'abandonner la vision liquidative adoptée par l'actuel règlement européen pour s'orienter vers la volonté de sauvetage des entreprises.
Le Directeur des affaires civiles et du Sceau au ministère de la Justice, Laurent Vallée, a estimé pour sa part que la coopération entre les juridictions des Etats européens doit aussi bien fonctionner en matière civile et commerciale qu'en matière d'entraide judiciaire pénale.
Renforcer la coordination entre les juridictions des Etats européens
Lors de ce colloque, un second thème a été abordé : la coordination entre les juridictions compétentes pour ouvrir les procédures principales et secondaires (la procédure principale étant celle ouverte dans le pays où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, tandis que la procédure secondaire est celle ouverte, le cas échéant, dans un autre pays de l'Union où le débiteur possède un établissement). L'idée de coordination a également été évoquée pour traiter de procédures ouvertes à l'égard de plusieurs membres d'un même groupe dans différents Etats membres.
Jérôme Carriat a indiqué que le futur règlement devra reposer, comme en matière d'entraide judiciaire, sur la notion de confiance mutuelle. Il a néanmoins précisé que le texte n'aura pas vocation à entrer dans les détails car les juridictions doivent pouvoir homologuer les protocoles qui conviennent à la situation de l'entreprise.
L'urgence d'organiser la publicité des procédures collectives au niveau européen, notamment par la création d'un registre, a été rappelée par Hélène Bourbouloux, administrateur judiciaire. Tandis que le Président du tribunal de commerce de Nanterre, Yves Lelièvre, a appelé de ses vœux la stabilisation du droit des procédures collectives, espérant que le futur règlement y contribuera.
Enfin, le Professeur Natalie Fricero a estimé qu'au plan procédural il sera difficile d'obliger une juridiction à coordonner sa décision avec celle d'une autre juridiction d'un autre pays européen. Selon elle, « la coordination reste à inventer ». Au-delà des aspects procéduraux, cette coordination nécessiterait une harmonisation du droit des pays de l'Union en matière de procédures collectives.
