21 avril 2021

Le procès des membres survivants de la « Bande à Bonnot »

L’affaire qui a affolé l’opinion publique de la Belle Époque

Le 3 février 1913 s’ouvre à la Cour d’assises de la Seine, et après une longue période d’instruction, le procès des membres survivants de la « Bande à Bonnot ». Vingt individus, hommes et femmes, prennent place sur le banc des accusés. Une trentaine de crimes et délits leur est imputée.

Le procès des membres survivants de la « Bande à Bonnot »Tout commence le 21 décembre 1911 à Paris, rue Ordener. Jules Bonnot, Octave Garnier, alias « Octave le Terrassier », Raymond Callemin, ou « Raymond la Science », et un quatrième homme volent et blessent par balles Ernest Caby, un garçon de recettes de la « Société générale ». Dès le lendemain, l’affaire fait la Une du Petit Journal et du Petit Parisien.

Vols, braquages, cambriolages, meurtres : la liste s’allonge, tout comme celle des complices. Ce sont des partisans de l’illégalisme, un courant de pensée de l’anarchisme qui valorise les actions illégales à l’encontre des bourgeois et des dirigeants d’entreprise, dans une perspective de Révolution.

Les actes et portraits des membres inondent la presse. La police mobilise alors deux cents inspecteurs et les arrestations s’enchaînent. Le 28 avril 1912, l’assaut est donné contre Jules Bonnot, retranché dans un pavillon de Choisy-le-Roi. Il meurt à l’issue d’un siège de cinq heures qui a mobilisé cinq cents hommes. La même scène se reproduit le 14 mai 1912 à Nogent-sur-Marne avec Octave Garnier et René Valet, qui meurent à leur tour.

Un banc des accusés conséquent pour un procès suivi de près

Le procès de la « Bande à Bonnot » débute le 3 février 1913. La salle d’audience est remplie. Vingt membres de la bande sont présents et un important service d’ordre a été mis en place autour du Palais de Justice. Premiers et seconds rôles de ce groupe se mêlent, accusations pour recel de vol ou pour meurtre se confondent.

Sur le banc des accusés, Anna Estorges, dite Rirette Maîtrejean, et son compagnon Victor Kibaltchiche, dit Victor Serge, sont interrogés. Ils refusent d’être associés aux actes criminels et revendiquent un anarchisme non violent. Étienne Monier, appelé Simentoff, Raymond Callemin, André Soudy, Édouard Carouy et Marius Metge nient les accusations et exigent des preuves. Les empreintes digitales de Metge et Carouy les relient pourtant à un double-meurtre commis à Thiais. Callemin use quant à lui de son temps de parole pour revendiquer son idéologie.

L’attitude d’Eugène Dieudonné est bien différente. Ce dernier clame son innocence, critique la doctrine illégaliste et dénigre Bonnot et ses suiveurs. On lui reproche avant tout sa participation au braquage de la rue Ordener. Après avoir initialement accusé Garnier, le garçon de recettes l’a désigné comme coupable. Pourtant Garnier, dans une lettre publiée dans Le Matin, tout comme Bonnot dans son testament, ont innocenté Dieudonné qui disposait d’un alibi.

Les audiences se succèdent et l’intérêt de la presse pour la bande ne se dément pas. Les articles se multiplient dans L'OEil de la police, L’Illustration, Le Populaire du Centre, Le Matin, Le Petit Parisien… Colette, chroniqueuse judiciaire de renom, couvre même le procès.

L’issue du procès : rebondissements et remise en cause

Le 26 février au soir, le jury se retire. Trois cent quatre-vingt-trois questions lui ont été posées et treize heures sont nécessaires pour délibérer. Le 27 au matin, le verdict tombe. Quatre accusés sont acquittés, dont Maîtrejean. D’autres font l’objet de peines de prison ou de travaux forcés. Cinq ans de réclusion pour Kibaltchiche. Travaux forcés à perpétuité pour Carouy et Metge. La peine de mort est prononcée pour Callemin, Soudy, Monier et Dieudonné.

Coup de théâtre : Callemin, qui affirmait pourtant ne pas avoir participé au braquage de la rue Ordener, se lève et innocente Dieudonné en s’accusant avec Garnier. Second coup de théâtre : Carouy, qui a réussi à se procurer du cyanure, se suicide dans sa cellule.

L’avocat de Dieudonné, maître Moro-Giafferi, présente donc un recours en grâce auprès du président Raymond Poincaré. La peine de mort est commuée en travaux forcés à perpétuité. Pour Callemin, Monier et Soudy, leur sort est scellé : ils sont guillotinés le 21 avril 1913.

Cependant, l’intérêt porté au procès ne s’éteint pas. Quinze ans après sa condamnation, Dieudonné est finalement gracié à la suite de campagnes menées par son avocat ainsi qu’Albert Londres et Louis Roubaud, journalistes et écrivains... Aujourd’hui, livres, documentaires et articles reviennent sur ce procès qui aura marqué l’histoire.

Claire Le Goff
Master 2 / IFP

 
 
  

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