Le Parlement de Paris
"Le parlement jugea en dernier ressort de presque toutes les affaires du royaume" - Montesquieu
D'inspiration franque, issu de la Curia Regis accompagnant les monarques de France depuis les premiers Capétiens, le Parlement de Paris fut un organe judiciaire puissant qui s'est peu à peu substitué au pouvoir de justice royal.
Treize autres Parlements furent d'ailleurs créés en droite ligne du précédent pour la Province mais celui de Paris restera le plus emblématique de tous, lieu d'affrontement et de résistance notables contre le pouvoir absolu du souverain.

ORIGINES
Les plus lointaines résurgences des Parlements remontent aux descendants de Clovis sous les ères mérovingiennes et carolingiennes. A ces époques, se réunissaient respectivement les assemblées dites du "Champ de Mars" et du "Champ de Mai" où se cotoyaient les grandes figures militaires, politiques et judiciaires du royaume, membres de la célèbre Curia Regis (cour du roi) entourant constamment le chef.
En ce sens, le terme de parlement, du latin "Parlamentum", définissait ces réunions où se discutaient les grandes affaires, souvent militaires, du pays franc. Le Parlement fut donc à l'origine plus un corps guerrier (et forcément aristocratique) qu'un corps judiciaire. Mais des hommes de droit ont commencé à faire peu à peu leur apparition au côté des nobles pour finalement constituer la base principale de l'institution.
Cette prise de pouvoir des légistes issus de la Curia Regis poursuivait une logique implacable de défense des intérêts des villes et petites bourgades, en général fidèles au roi, contre les grands seigneurs défiant l'autorité de ce dernier. Le but final étant évidemment de renforcer considérablement le pouvoir du Roi de France pour en faire sans aucune contestation possible le premier personnage du royaume. Machiavel dira à ce sujet dans ses écrits que le Parlement représenta un "tiers juge qui, sans que le roi en eût la responsabilité, abattit les grands et vint en aide aux petits".
ORGANISATION ET ATTRIBUTIONS
Prolongement de la Cour du Roi, le Parlement de Paris et tous les autres en France basés sur son modèle regroupaient donc tous les grands connétables du royaume : grands officiers de la couronne, grands seigneurs vassaux, prélats des villes, etc. Une première ordonnance de 1287 sous le règne de Philippe le Bel a clairement défini les champs de compétences de cette institution.
SIEGE
Le Parlement a toujours siégé depuis la fin du XIIIe siècle dans les locaux du Palais de l'île de la Cité à Paris.

COMPOSITION
A l'origine, la composition du Parlement en trois chambres, matérialisée sous le règne de Philippe IV le Bel, sera duement confirmée dans une ordonnance de 1320 prise par son deuxième fils Philippe V le Long, exposant ainsi la présence :
- d'une grand' chambre : composée d'un premier président, de 9 présidents, 12 conseillers clercs et 25 conseillers laïcs
- d'une chambre des enquêtes : composée de 30 clercs, 20 laïcs, 32 juges et 8 rapporteurs
- d'une chambre des requêtes : composée de plusieurs maîtres des requêtes répartis équitablement entre ecclésiastiques et laïcs
On y ajouta peu après la chambre criminelle, plus communément apelée "Tournelle criminelle", composée des présidents et conseillers de la grand' chambre.
RESSORT
Le ressort du Parlement de Paris comprenait, avant la création d'autres Parlements en Province, les régions et pays de l'Anjou, de l'Augoumois, de l'Aunis, de l'Auvergne, de la Beauce, du Beaujolais, du Berry, du Bourbonnais, de la Brie, de la Champagne, du Forez, de l'Ile-de-France, du Lyonnais, du Maine, du Nivernais, de la Picardie, du Poitou, du Rochelais, de la Sologne et de la Touraine, plus toutes les dépendances des ducs de Bourgogne qui ont été pendant longtemps ennemis du roi de France.
COMPETENCE
La grand'chambre
La grand'chambre du Parlement de Paris était compétente pour les affaires civiles et, avant la création de la Tournelle, criminelles. Elle était en outre compétente pour instruire les procès des pairs de France et avait à connaitre les crimes de lèse-majesté et toutes affaires concernant la couronne.
La chambre des enquêtes
La chambre des enquêtes était chargée de juger toutes les affaires pourtant de la compétence de la grand'chambre mais non portée à son attention, faute de temps.
A l'origine, les commissaires ne dépendaient pas du Parlement et les enquêtes étaient ainsi confiées à des représentants de la grand'chambre. Puis, petit à petit, ces premiers furent naturellement rattachés à la chambre des enquêtes.
La chambre des requêtes
Comme son nom l'indique, la chambre était exclusivement compétente pour répondre aux requêtes adressées au Parlement. Les "maîtres des requêtes", avec l'aide de leurs notaires, avaient ainsi le pouvoir de régler certaines affaires eux-mêmes en première instance sans passer par les autres chambres du Parlement (elles n'étaient sollicitées que dans le cas d'un appel).
La Tournelle criminelle
A partir du règne de Charles VII, La Tournelle devint par l'ordonnance du 28 octobre 1446 compétente pour juger tous les procès criminels en première instance et en appel, prenant ainsi ce pouvoir des mains de la grand'chambre.
La Tournelle criminelle fut la seule chambre du Parlement de Paris composée exclusivement de laïcs.
RESISTANCES A L'ABSOLUTISME ROYAL
Si le Parlement de Paris traversa près de 500 ans d'Histoire de France, il n'aurait été qu'une juridiction parmi d'autres sans les face à face avec certains rois de France qui le rendirent célèbre. Conçu comme l'un des instruments de consolidation de la domination des capétiens sur les autres grands seigneurs du royaume, il finit par tenir tête aux propres descendants de ses créateurs.
Déjà des prémices s'étaient faites sentir lorsque le Parlement de Paris n'avait pas hésité à casser les testaments de Louis XIII et Louis XIV, ce dernier ayant notoirement désigné son bâtard le Duc de Maine régent du royaume de France.
Le défi devint plus explicite sous le règne de Louis XV, l'arrière petit-fils du Roi-Soleil : dans sa lutte contre les jansénistes, le roi ordonna des mesures que le Parlement, contrairement à la coutume, refusa d'enregistrer. Agacé, Louis XV désavoua le Parlement par la création d'une chambre royale censée le remplacer mais dut rapidement réhabiliter l'institution tant sa popularité était grande.
Fort de cette première "victoire", le Parlement refusa catégoriquement en 1756 d'enregistrer les nouveaux impôts créés pour financer ce qui allait devenir la "Guerre de Sept ans". Le roi se vit alors dans l'obligation d'imposer ses vues aux hommes de loi par le biais du lit de justice, vieille coutume selon laquelle le monarque se déplaçait au Palais et siègeait personnellement au coeur du Parlement pour appuyer ses directives. Ce dernier ne pliant toujours pas, le roi fit supprimer les chambres des enquêtes et des requêtes, ce qui entraîna automatiquement la démission des membres des chambres restantes. Mais l'attentat commis contre la personne de Louis XV deux ans plus tard par Damiens obligea le monarque à réintégrer les juges sous peine de ne pouvoir faire condamner son agresseur...
Tous ces exemples accumulèrent une certaine rancoeur de la part du roi et de son entourage de sorte que le Parlement de Paris fut purement et simplement dissout en 1771 sous la direction du chancelier de Maupéou. Trois années plus tard, Louis XVI, tout juste sacré nouveau roi de France, annula la dissolution de son aïeul et le Parlement de Paris reprit ses fonctions jusqu'à la Révolution française pour s'éteindre finalement par les décrets de l'Assemblée Nationale des 6 et 7 septembre 1790.