En 1860 un vote est organisé pour décider du rattachement de la Savoie à la France. Les résultats sont proclamés à la cour d'appel de Chambéry : 150 ans plus tard, retour sur ce transfert de territoire plébiscité.
L'organisation judiciaire de la Savoie jusqu'à son rattachement à la France
La France a envahi la Savoie en 1536 et l'a occupée jusqu'en 1559. Jusqu'à cette période, la justice était rendue, en Savoie, successivement par le Conseil Contal et le Conseil souverain. Sous le règne de François 1er, le conseil souverain de Savoie est remplacé par un Parlement installé à Chambéry.
C'est sous le règne d'Henri II que le parlement est déclaré Cour Souveraine. Il le restera jusqu'au retour dans ses terres de l'héritier de la maison de Savoie qui, dès la reprise en main de son duché, instaurera le Souverain Sénat de Savoie.
De 1792 à 1815, la Savoie a été rattachée à la France révolutionnaire par une décision de l'assemblée des Allobroges, seule période pendant laquelle la juridiction supérieure de Chambéry disparaît au profit de celle de Grenoble.
Le Sénat de Savoie s'enrichit au fil des années des mesures prises par les princes de la maison de Savoie. Il acquiert au cours de son existence des compétences d'ordre judiciaire, fiscal administratif, législatif et même ecclésiastique, en raison de ses relations avec le Siège apostolique.
Le sénat de Savoie est chambre d'appel des décisions du premier degré, mais il statue également en dernier ressort en matière criminelle. Il offre aux plus nécessiteux « l'avocat des pauvres », ce que nous appelons aujourd'hui l'aide juridictionnelle.
Installé à Chambéry, le sénat est un véritable outil de centralisation du pouvoir politique et judiciaire en Savoie, et ce jusqu'au déménagement des institutions politiques vers Turin à la fin du XV ème siècle.
Toutefois, le Sénat resta à Chambéry et sera remplacé en 1848, avant le rattachement de la Savoie à la France, par la cour d'appel de Chambéry.
Le processus de rattachement de la Savoie à la France
Le 21 juillet 1858, Napoléon III et Cavour, alors Premier ministre du royaume de Piémont-Sardaigne, se rencontrent secrètement à Plombières-les-Bains. Très inquiet de l'hégémonie autrichienne en Italie, le royaume du Piémont-Sardaigne cherche à négocier le soutien de la France. L'idée d'une réunification de l'Italie sous la forme d'une confédération dirigée par le Pape a alors les faveurs de l'Empereur Napoléon III.
Les protagonistes envisagent le découpage suivant : le royaume de Sarde verrait ses frontières étendues aux confins de la Lombardie, de la Vénétie et de la Romagne. Le Pape garderait Rome et ses environs. Les autres états de l'Eglise formeraient le royaume d'Italie centrale. En contrepartie, le duché de Savoie serait cédé à la France et le prince Napoléon Jérôme épouserait la princesse Clotilde de Savoie, fille de Victor-Emmanuel II. Le sort du comté de Nice est alors laissé en suspens. Le royaume sarde, fort de l'appui de la France, multiplie les provocations face à l'Autriche et la guerre éclate le 26 avril 1859.
Suivant le scénario élaboré à Plombières, Napoléon III soutient son allié et envoie des troupes rejoindre le Piémont. Alors que les autrichiens sont battus à Magenta et Solférino, en raison des importantes pertes humaines survenues et des incertitudes pesant sur la réussite des opérations à venir, Napoléon III signe l'armistice avec l'Autriche en juillet 1859. Dès lors, les alliances entre la France et le royaume de Piémont-Sardaigne font bouger les frontières et, dès novembre 1859, la Lombardie est cédée au Piémont.
Le 24 mars 1860, le Traité de Turin est signé ; il prévoit le rattachement de la Savoie et de Nice à la France. Son premier article dispose que Victor-Emmanuel II « consent à la réunion de la Savoie et de l'arrondissement de Nice à la France ». Ce transfert de territoires entre les deux souverains doit se faire « sans nulle contrainte de la volonté des populations » concernées.
Un plébiscite est ainsi organisé les 22 et 23 avril 1860. Une seule question est posée aux Savoyards : « La Savoie veut-elle être réunie à la France ? »
Le 29 avril 1860, le résultat est proclamé par la cour d'appel de Chambéry.
Sur 135 449 inscrits, le « oui » l'emporte avec 130 533 voix, 71 nuls et 235 voix contre.
Ecouter l'interview de Bruno Berthier, maître de conférences en histoire du droit à l'Université de Savoie :