16 août 2013

Histoire et architecture de la cour d'appel de Dijon

Série "Patrimoine des juridictions" - Publication n°3

Le Parlement de Bourgogne, patrimoine classé monument historique, est le siège de la cour d’appel de Dijon.

Focus sur cette juridiction et son histoire.

Salle Saint-Louis - Crédit photo : CA Dijon

 

Le Parlement de Bourgogne à travers le temps

Parlement de BourgogneAu XIIIème siècle, les ducs de Bourgogne disposaient d’un conseil qui jugeait des affaires importantes et servait de juridiction d’appel, la « curia ducis ». C’était une cour itinérante qui suivait les déplacements des ducs et se réunissait ponctuellement. En 1386, elle s’établit à Beaune dans l’Hôtel Ducal et devint une juridiction souveraine. Réorganisée en 1422 par Philippe le Bon, elle devint le Parlement. Une chambre des comptes fut instituée à Dijon et installée la même année à l’emplacement de l’actuelle salle d’assises. Ces institutions furent maintenues par Louis XI après le rattachement de la Bourgogne à la France en 1477, qui reconnut au Parlement son caractère souverain.

Marie de Bourgogne

Son histoire fut ensuite troublée par divers événements, tels que les tentatives de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, de reprendre le duché et l’assassinat de Jean Jouard, président désigné du Parlement. Lors de la peste de 1499, les parlementaires se retirèrent à Beaune et les dijonnais durent promettre la construction d’un nouvel édifice pour que ceux-ci consentent, en 1507, à se réinstaller dans leur ville. A cette époque, le Parlement se réunissait épisodiquement en assemblées générales pour enregistrer une ordonnance royale, émettre des Duc de Guiseordonnances, promulguer des arrêts généraux ou trancher une question dans un procès important.

 

Le XVIème siècle fut une période mouvementée. Le Parlement refusa d’enregistrer en 1562 un édit qui accordait aux calvinistes le libre exercice de leur religion. En 1588, le duc de Guise fut assassiné et plusieurs familles dijonnaises, qui furent proscrites, fuirent Dijon et créèrent un Parlement dissident à Flavigny, puis à Saumur. Ces magistrats reprirent leurs fonctions à Dijon après la conversion du roi Henri IV.

Au cours de la Fronde, le Parlement se partagea à Louis XIVnouveau en deux camps opposés, l’un ayant pour chef le premier président Bouchu et l’autre, composé des frondeurs, ayant à sa tête l’avocat général Millotet. Mais le jeune Louis XIV rappela aux parlementaires qu’ils n’avaient d’autres pouvoirs que de rendre la justice et la situation s’assainit. Pour autant, le Parlement contesta un jour la valeur d’un édit de justice du Roi, alors que Louis XIV s’était rendu sur place pour faire enregistrer l’édit. Aussi, celui-ci exigea que le premier président Brulart implore son pardon, et il lui fut répondu : « Sire, je ne m’agenouille que devant Dieu, mon maître et le vôtre ». Cette impertinence lui valut un exil à Perpignan et le Parlement fut interdit jusqu’en 1659.

Pendant la Révolution, le Parlement fut mis en congé même si quelques séances de conseils de guerre et du tribunal révolutionnaire s’y sont tenues. Une cour supérieure provisoire lui succéda, puis un tribunal d’appel, une cour impériale, une cour royale et enfin la cour d’appel.

 

Une architecture au style néo-gothique

Les premières audiences du Parlement se sont tenues en novembre 1480. En 1510, Louis XII promit d’allouer les subventions nécessaires à l’édification d’un Parlement digne de ce nom.

Alors qu’il ne comprenait à l’origine qu’une seule chambre, la Grand’ chambre, le Parlement se vit adjoindre en 1524 la tournelle, chambre spécialisée pour instruire et juger les affaires criminelles, puis en 1525 la chambre des requêtes et en 1589 la chambre des enquêtes destinée à instruire les instances et à examiner les preuves recueillies.

La salle des pas perdus, nommée également la salle St Louis, est représentative d’une architecture assez répandue à l’époque. La voûte en nef de bateau renversé, ainsi que la symétrie dans l’ouverture et les décorations, donnent un style néogothique à l’ensemble du palais. De cette chapelle, il ne reste qu’une œuvre d’art majeure, une porte en bois sculpté. La salle des malades aux hospices de Beaune, rendue célèbre par le film « La Grande Vadrouille », est quasiment identique, sans qu’il soit possible de déterminer quelle salle est la réplique de l’autre.

 

Salle Saint-Louis - Crédit photo : C. Lacène MJ-DICOM

 

Salle d'assises - Crédit photo : C. Lacène MJ-DICOMLa salle des assises est la plus récente du bâtiment. Elle fut construite à partir de 1862 pour accueillir les assises qui se tenaient auparavant dans l’ancienne Grand’ chambre. Elle est caractérisée par son plafond, qui vient de l’ancienne chambre des comptes. Au centre, les armes de France et de Navarre sont entourées par le collier de l’ordre de Saint Michel. Une peinture, « La Famille », datant de 1901, orne un mur de la salle. Une maxime y est gravée : "non omnis moriar" (je ne mourrai pas en entier).

 

Chambre dorée - Crédit photo : J. Jaunet MJ-DICOMLa chambre dorée fut construite à l’initiative de Louis XII et achevée entre les années 1510 et 1522. Le plafond est composé de trente-cinq caissons ornés de motifs en relation avec le pouvoir royal. Au centre de la frise se trouvent les lettres qui signifient Yahvé, le nom de Dieu dans la bible, signifiant que la justice des dieux domine celle des hommes. Ce plafond a été remanié sous Louis XIII, « L » signifiant Louis et « A » Autriche. Les vitraux de la salle, que l’on appelle des grisailles, représentent la foi, la charité et l’espérance. On y trouve également une tapisserie des Gobelins datant de la fin du XVIIIème siècle qui représente une scène biblique : « Laban et ses filles ».

Salle des enquêtes - Crédit photo : C. LACène / N. Moutte MJ-DICOM

 

La salle des enquêtes, qui est aujourd’hui la bibliothèque de la cour d’appel, fut construite en 1641. Au plafond, une peinture représente une allégorie de la justice. S’y trouvent également des ouvrages anciens qui ont échappé à la destruction et aux pillages au moment de la Révolution. On retrouve dans cette salle les symboles traditionnels de la justice, la balance, le serpent, le glaive et également une main de justice.

 

Ancienne Grand'chambre - Crédit photo : CA Dijon

 

La Grand’ chambre, cœur historique du Parlement de Bourgogne, est la partie la plus ancienne du palais, et le cabinet actuel du premier président. Au XVIIème siècle, on a substitué des baies rectangulaires aux baies en accolade, et on l’a divisée en plusieurs parties. C’est là que se tenaient les audiences car la salle était mieux chauffée que la chambre dorée, qui était utilisée seulement pour les séances d’apparat. S’y trouvent encore quelques ouvrages très anciens. L’actuel bureau du secrétariat général faisait également partie de la Grand’ chambre. S’y trouve notamment un portrait du chancelier d’Aguesseau, qui fait partie de quelques portraits qui sont en dépôt, mais qui sont la propriété de l’Hôpital général.

 

 

Salle de la Tournelle - Crédit photo : CA DijonLa salle des avocats, anciennement chambre de la tournelle, fut construite en 1549 et complètement remaniée au XVIIème siècle. Elle est remarquable par son plafond à la française, son décor polychrome, et une cheminée monumentale datant de 1610 qui provient du château de Turcey. Au dessus de la cheminée se trouve l’écusson royal entouré des colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit. Le nom  « chambre de la tournelle » reprend l’image des conseillers qui siégeaient à tour de rôle. Dans cette salle se trouve une porte datant de l’époque d’Henry II avec une lettre « H» au centre, une lettre « C », qui évoque son épouse Catherine de Médicis, et un « C » inversé pour sa maîtresse, Diane de Poitiers.

 

 

 

Courette - Crédit photo : CA Dijon

 

La courette est garnie d’arcades avec un puits, qui correspondait à la conciergerie à savoir les prisons. Il en existe encore une trace avec la porte d’un des anciens cachots. Celle-ci mène à une salle du sous-sol voûtée aux murs très épais.

 

 

 

 

 

Témoignage de Jean-Pierre Munier, magistrat honoraire

 

 « Parmi les bâtiments abritant la cour d'appel de Dijon, les plus anciens ont été construits entre le XVIème et le XVIIIème siècle pour loger le Parlement de Bourgogne, héritier de la « curia ducis » de l'époque des ducs de Bourgogne, installé à Dijon par une ordonnance du roi Louis XI du 24 octobre 1480. La « chambre dorée », destinée à accueillir les audiences du Parlement, inaugurée sous le règne de François 1er en 1522, est certainement le plus beau vestige de la splendeur de cette institution de l'Ancien Régime. La salle des pas perdus, dite salle Saint Louis, réalisée postérieurement à l'initiative du roi Charles IX, en impose par son architecture rappelant celle des églises ou de la salle des « pôvres » de l'Hôtel Dieu de Beaune. La bibliothèque et la salle des avocats évoquent elles aussi les activités de l'institution judiciaire au temps de la royauté. Ces salles chargées d'histoire sont aujourd'hui encore des lieux de justice où sont tenues les audiences solennelles de la cour d'appel, mais aussi des audiences civiles et commerciales, ce qui démontre la continuité de la Justice à travers les siècles en dépit des bouleversements de notre système judiciaire lors de la Révolution et de l'Empire. »

 

 

 
 
  

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