J comme juré
Juré d’assises : un acte civique et un devoir citoyen
Depuis la période révolutionnaire, des citoyens tirés au sort siègent aux côtés de juges professionnels dans les cours d’assises. Ils se prononcent, forts de leur intime conviction, sur la culpabilité de l’accusé et, le cas échéant, sur sa peine. Retour sur un devoir citoyen régi par l’article 261 du Code de procédure pénale.
La présence de citoyens non-professionnels du droit tirés au sort fait de la cour d’assises une particularité parmi les institutions judiciaires françaises. La justice y est ainsi rendue « au nom du peuple français » mais aussi par des membres de ce même peuple.
Un retour d’expérience
Pour Emilie*, jurée dans une affaire de viol en 2013, tout a commencé par une lettre reçue à son domicile. Son nom avait été tiré au sort par le maire de sa commune et elle allait peut-être faire partie d’un jury d’assises : « Je ne savais même pas qu’il y avait des citoyens qui participaient aux décisions rendues par la justice ; du coup j’ai pris le temps de me renseigner sur internet sur ce qui allait m’être demandé et c’est aussi comme ça que j’ai appris ce qu’est une cour d’assises. »
Ses recherches lui ont permis de prendre conscience de la responsabilité qui allait être la sienne. Compétente pour tous les crimes de droit commun, la cour d’assises est une juridiction qui juge les personnes majeures et les mineurs de plus de 16 ans, accusés de crime, de tentatives de crime et de complicité de crime. Ces infractions (meurtre, assassinat ou viol par exemple) sont considérées comme les plus graves par le code pénal.
Ces cours d'assises sont composées de 3 magistrats professionnels (un président et deux assesseurs) et d’un jury de 6 citoyens ou de 9 si la cour siège en appel. Tenus à un devoir de réserve, de tempérance et soumis au secret du délibéré, ces derniers, doivent prêter serment et suivre une courte formation. « On nous a montré une vidéo nous présentant ce qui était attendu de nous et nous sommes allés visiter une prison. On a pu poser toutes les questions que nous voulions aux professionnels qui nous accompagnaient. » s'est remémoré Émilie.
Accompagnés des magistrats professionnels, ils se prononceront par le biais d’un vote à bulletin secret, sur la culpabilité de l’accusé mais aussi sur sa peine, s’il est déclaré coupable.
Un procès d’assises peut durer plusieurs jours et refusé d'être juré n'est pas possible. Mais un juré peut-être récusé sans aucune explication si on le soupçonne de prendre partie, son jugement est donc refusé. Une dispense pour un motif légitime (maladie justifiée par un certificat médical par exemple) est également possible.
L'employeur d’un juré d’assises est donc dans l’obligation de le libérer de ses occupations professionnelles pendant toute la durée du procès sans que cela fasse l’objet d’une quelconque sanction à son encontre. Le contrat de travail est suspendu le temps nécessaire au déroulement du procès et au rendu de la décision. Le juré peut ensuite demander une indemnisation auprès du tribunal de grande instance.
Une expérience démocratique exigeante
C'est seulement au moment du procès qu’Émilie a réellement pris conscience du rôle qu’elle allait jouer : « J’ai été très impressionnée par les plaidoiries des avocats ainsi que par les réquisitions. Je ne pouvais pas m’empêcher de regarder les réactions de l’accusé. »
Pour beaucoup de jurés, le déroulement du procès est souvent une totale découverte du monde de la justice et de ses procédures. Par ailleurs, la mission qui est confiée aux jurés impose de réfléchir de façon rigoureuse et consciencieuse : « On devait se prononcer selon notre intime conviction, et ce n’est pas simple car on a conscience qu’on tient entre nos mains la vie d’une personne. C’est une responsabilité très forte. J’ai rapidement pris conscience que ce n’était pas une décision à prendre à la légère et j’ai eu à cœur de faire preuve de beaucoup de sérieux pendant tout le long du procès et des délibérations. »
Le moment le plus marquant pour Emilie a été celui où la décision a été rendue car elle a provoqué beaucoup de réactions dans la salle. « Je n’ai pas osé regarder ni la partie civile ni l’accusé. »
Pour autant, l’expérience de rendre la justice a été enrichissante d’un point de vue personnel. « Ça m’a appris à mieux connaître le système de la justice et aussi à mieux comprendre les décisions qui y sont rendues. J’ai énormément appris pendant les trois jours du procès, je me suis sentie investie d’un devoir et j’ai eu à cœur de le remplir, même si c’était difficile. ».
* Le prénom a été modifié