Babellex, l’accès aux langues pour le droit dans l'UE
S’il y a 24 langues officielles dans l’Union européenne, ce sont potentiellement les langues du monde entier qui s’y expriment, dans un cadre privé ou à l’occasion d’un passage d’un étranger dans l’espace européen. Dans le cadre d’une procédure notamment pénale impliquant ces personnes, un droit à l’interprétation et à la traduction s’impose aux juridictions des États membres. Le droit à l’interprétation et à la traduction, accordé aux personnes qui ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue de la procédure, est consacré à l’article 6 de la CEDH, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et par la Directive 2010/64/UE relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales. Si ce droit entraine naturellement un coût pour les États, il doit pouvoir être effectif aussi rapidement que possible pour répondre à des situations potentiellement urgentes sans qu’il n’y ait de doute sur la qualité des prestations linguistiques fournies.
Bientôt accessible en ligne, BabelLex sera un espace permettant non seulement aux juridictions mais aussi aux professions juridiques comme aux particuliers, d’accéder directement aux traducteurs et interprètes juridiques mais également de faciliter le partage de certaines traductions. À ce titre, le projet constitue un véritable service public de l’accès au traducteurs et interprètes et, à travers eux, à certaines traductions déjà réalisées.
De multiples échanges avec les membres de nombreuses associations de traducteurs et interprètes professionnels en Europe et dans le monde (pour la France, la Société Française des Traducteurs), mais également avec des traducteurs/interprètes plus isolés ont été nécessaires pour dessiner, au plus près des besoins, un projet favorisant les professionnels de la traduction mais également ouvert aux autres, notamment pour les langues rares. L’enjeu est de dessiner BabelLex dans un contexte où les technologies disruptives semblent vouloir s’installer dans les professions juridiques[1] et sont susceptibles, comme pour le transport de personnes ou le tourisme, de se greffer sur les professions liées au droit et à la Justice. BabelLex est donc aussi une réponse concertée aux risques liés au phénomène déjà perceptible d’ubérisation du droit, susceptibles de toucher les traducteurs/interprètes notamment en facilitant le travail non déclaré et le dumping.[2] En étant ouvert au-delà des juridictions, Babellex offre potentiellement aux traducteurs interprètes professionnels l’accès à une clientèle très large (avocats, huissiers, notaires, particuliers). C’est par l’intermédiaire de ce premier vivier, de cet ensemble de prestataires traducteurs/interprètes de qualité, que les justiciables étrangers pourront exercer le droit de se faire entendre et d’être écouté.
BabelLex est un projet cofinancé par les ministères de la Justice de France, d’Estonie, d’Autriche, de Rhénanie Westphalie (Allemagne) et par la Commission européenne. Il a été initié et est coordonné par le ministère de la Justice français (SG/SAEI/BDC).
[1] G'sell, Florence, Impact des innovations de rupture sur le marché des services juridiques, l’ OCDE s’interroge, JCP G 2016, 445 / Ezratty, Olivier, « Les disruptions numériques dans les professions libérales », en ligne,
[2] Voir aussi, « Les technologies disruptives: sources de droit? », L'extrajudiciaire, vol.29, n°5, p 8-10 »,