Circulaire
d'orientation relative à la protection judiciaire de la
jeunesse
PJJ 99-01 DIR/24-02-99 +.
NOR : JUSF9950035C.
Mineur.
|
DIRECTION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
POUR ATTRIBUTION
Mesdames et Messieurs les Directeur de la protection
judiciaire de la jeunesse, les Directeurs régionaux de la protection
judiciaire de la jeunesse, les Directeurs départementaux de la
protection judiciaire de la jeunesse.
- 24 février 1999 -
SOMMAIRE
1. Renouveler les méthodes de l'action
éducative
1.1 Se doter des outils de connaissance
des publics suivis
1.2 Mettre en place un accompagnement éducatif
soutenu
1.3 Mettre en oeuvre l'accompagnement éducatif
soutenu dans chacune des fonctions éducatives
2. Prendre en charge les mineurs délinquants
2.1 La spécificité de l'action
éducative en matière pénale
2.2 Le placement des mineurs délinquants
2.3 Le suivi des mineurs incarcérés
2.4 Le rôle du service éducatif
auprès du tribunal
3. La territorialisation de l'action de
la protection judiciaire de la jeunesse
3.1 Conduire une politique publique adaptée
au contexte territorial
3.2 Poursuivre la mise en oeuvre d'une politique
départementale
3.3 Une gestion des ressources humaines
adaptée à l'échelon territorial
Annexes
La justice des mineurs est confrontée à
des évolutions majeures depuis le début des années
1990.
Le nombre de mineurs en danger signalés aux tribunaux pour enfants
augmente de manière régulière : 49 500 mineurs
en danger ont été signalés en 1997 aux tribunaux,
31 000 l'avaient été en 1994. Les placements de mineurs
à l'aide sociale à l'enfance qui avaient diminué
depuis le début des années 1970 augmentent à nouveau
dans les régions les plus touchées par la précarisation
des conditions de vie d'une partie de la population.
Le nombre de mineurs mis en cause a connu une augmentation sans précédent
depuis le début des années 1990 : il a varié de
92 000 à 100 000 selon les années jusqu'en 1993, pour
atteindre 154 437 en 1997 et 171 787 en 1998. Par ailleurs, la délinquance
des mineurs connaît des formes nouvelles : les atteintes aux personnes
et les destructions de biens publics ou privés ont augmenté
de manière importante ; des émeutes urbaines ou des faits
de violence collective ont lieu de manière répétée
dans les agglomérations urbaines ; une délinquance dite
"d'intégration" par la participation des mineurs à
de multiples trafics organisés par de jeunes adultes des mêmes
quartiers se développe de manière préoccupante.
Ces évolutions se produisent dans un contexte de mutations au
sein de la société française qui modifient les
fondements et les formes traditionnelles du lien social.
L'importance du chômage, la précarité des conditions
de vie d'une partie importante de la population remettent en cause les
mécanismes d'intégration sociale.
Pour l'ensemble des jeunes, l'entrée dans la vie active est devenue
difficile ; elle est devenue extrêmement problématique
pour ceux d'entre eux qui se retrouvent sans qualification, sortis du
système scolaire à l'âge de 15 ou 16 ans et qui
ne peuvent se projeter dans un avenir incertain. Ainsi, il peut être
constaté chez beaucoup de jeunes et de familles la peur d'une
"relégation" sociale et économique, d'un décrochage
social et, de ce fait, une perte de confiance dans les institutions
éducatives et sociales.
La famille a également connu des changements profonds depuis
deux décennies. Ainsi en est-il de la place de la femme, de l'égalité
dans le couple, que le législateur a consacrée par l'adoption
du principe d'autorité parentale conjointe, des rapports entre
générations ou du nombre de séparations des couples
et de naissances hors mariage. Ces évolutions ne peuvent être
sans conséquence sur les politiques publiques qui doivent être
conduites à l'égard des jeunes les plus en difficulté.
Autre changement important : l'intégration sociale est moins
assurée aujourd'hui par les corps intermédiaires liés
au monde du travail, à l'engagement religieux et politique ;
elle repose davantage sur l'autonomie individuelle. Les solidarités
sociales sont, de ce fait, moins présentes.
Dans ce contexte de profondes mutations des modes d'intégration
et d'éducation, l'ensemble des institutions qui exercent une
mission d'éducation ont à définir les nouvelles
conditions de leur intervention.
C'est le cas des services à qui est confiée la responsabilité
de mettre en oeuvre les mesures décidées par l'autorité
judiciaire à l'égard des mineurs délinquants ou
en danger, secteur public et secteur associatif habilité de la
protection judiciaire de la jeunesse.
Cette évolution de la justice des mineurs a donné lieu
à la remise de plusieurs rapports :
- rapport des inspections générales sur
les unités à encadrement éducatif renforcé,
déposé en janvier 1998 ;
- rapport de la mission interministérielle, présidée
par Mme Lazerges et M. Balduyck, députés, sur le traitement
de la délinquance juvénile, remis en avril 1998 ;
- rapport du Conseil économique et social sur la
protection de l'enfance et de la jeunesse dans un contexte social en
mutation, adopté le 25 mai 1998.
Ils concluent tous à la nécessité
de mobiliser et d'articuler l'action de tous les acteurs sociaux concernés
dans un contexte administratif qui requiert aujourd'hui la coordination
des services de l'Etat et des collectivités territoriales. Ils
soulignent l'importance d'interventions plus rapides, plus précoces,
afin de permettre la prévention de situations mettant en danger
les mineurs. Ils préconisent des actions éducatives qui
permettent une plus forte mobilisation autour des mineurs les plus en
difficulté et des sanctions qui rappellent à leurs auteurs
la portée de leurs actes et permettent un apprentissage des règles
de la vie sociale.
Le 8 juin 1998, le Gouvernement a arrêté ses orientations
en matière de délinquance juvénile.
Il a réaffirmé la nécessité de rechercher
une dimension éducative dans toutes les réponses apportées
et celle de mobiliser et de coordonner l'intervention de tous les acteurs
sociaux concernés, au-delà des seules institutions de
police et de justice. Il a redéfini la mission du secteur public
de la protection judiciaire de la jeunesse autour d'une fonction d'orientation
auprès des tribunaux, de la spécialisation de l'action
des services dans la prise en charge des préadolescents et adolescents
délinquants ou en danger et de l'inscription plus forte dans
les politiques publiques territorialisées.
Ces orientations ont été renforcées par le Conseil
de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 qui a
notamment décidé la création de 50 centres de placement
immédiat, augmenté de manière significative le
nombre des centres éducatifs renforcés et des classes-relais.
Le Gouvernement a décidé d'attribuer des moyens sans précédent
à la protection judiciaire de la jeunesse, pour répondre
à l'ensemble de ses missions : création de 1 000 emplois
d'éducateurs d'ici à 2001, développement de projets
qui feront appel au secteur public et au secteur associatif habilité.
Ces décisions doivent permettre les réorganisations nécessaires
définies ci-dessous.
Cette mission repose aujourd'hui, plus encore qu'hier, sur la capacité
de nos institutions, à travers l'action quotidienne de leurs
personnels, à mettre en oeuvre une démarche éducative
adaptée au contexte actuel.
L'objet de la présente circulaire est à la fois de définir
les orientations de la protection judiciaire de la jeunesse et, sur
certains sujets et selon les modalités définies dans le
document joint en annexe, d'ouvrir des axes de travail qui permettront
aux services de construire des réponses à la hauteur des
difficultés que vivent les mineurs qui leur sont confiés
par l'autorité judiciaire.
Trois axes de travail sont retenus :
1° Renouveler les méthodes d'action éducative
pour mettre en place un accompagnement éducatif soutenu auprès
des mineurs ; ces orientations s'attacheront particulièrement
aux contenus de l'action conduite à l'égard des préadolescents
et adolescents délinquants et en danger confiés par décision
de justice. Le secteur associatif habilité qui concourt à
cette mission de service public et exécute les deux tiers des
décisions de justice doit être associé à
la mise en oeuvre de ces orientations, dans le respect de l'organisation
propre aux associations.
2° Prendre en charge les mineurs délinquants
; il s'agit d'une priorité au regard de l'évolution rappelée
ci-dessus. Pour la rendre effective, il y a lieu de définir la
spécificité de l'intervention éducative dans le
cadre pénal.
3° Poursuivre la territorialisation de l'action de
l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse ; celle-ci
connaît aujourd'hui une organisation de ses services adaptée
à la décentralisation, aux échelons régional
et départemental. L'articulation avec l'ensemble des acteurs
institutionnels ou associatifs concernés doit encore progresser.
La couverture des besoins doit être poursuivie dans certains départements.
La priorité sera accordée à une gestion adaptée
des ressources humaines à l'échelon territorial.
I. - RENOUVELER LES MÉTHODES
DE L'ACTION ÉDUCATIVE
La première analyse épidémiologique
relative aux publics suivis par le secteur public de la protection judiciaire
de la jeunesse a été réalisée en septembre
1998 par l'INSERM. Selon ses résultats, ces mineurs cumulent
des difficultés multiples, graves et chroniques dans tous les
domaines de la vie quotidienne : un mineur sur deux est issu d'une famille
dissociée, un sur dix a un parent décédé
; ils quittent la vie scolaire en moyenne vers 15 ans et demi, les filles
connaissent un taux de tentative de suicide très au-dessus de
celui de la population générale, ils pratiquent une consommation
précoce d'alcool, de tabac, de médicaments et de hachisch
; les violences agies et subies font partie de leur quotidien.
Cette étude montre aussi que la famille reste un point d'appui
important pour ces jeunes.
Cette étude vient confirmer l'analyse selon laquelle les mineurs
confiés aux services éducatifs vivent des situations marquées
par des difficultés nouvelles que les personnels, dans l'action
éducative qu'ils mènent au quotidien, ont pu constater
et analyser depuis plusieurs années.
Les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse sont également
témoins du développement des comportements de violence
des mineurs, qu'ils les constatent dans l'environnement familial et
social de ces derniers ou qu'ils y soient confrontés dans les
structures où ils partagent avec eux la vie quotidienne. Ces
comportements créent des tensions qui ne peuvent rester sans
réponse.
Le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse et le secteur
associatif sont interrogés sur leurs capacités d'action
ainsi que sur la pertinence de leurs réponses face aux nouveaux
problèmes posés par les publics qu'ils suivent. Le nouveau
contexte social, économique et familial des mineurs oblige à
la fois à améliorer la connaissance des publics suivis
et à repenser les différents modes d'intervention éducative
auprès des mineurs. Ces derniers doivent tendre vers la mise
en place d'un accompagnement éducatif soutenu dans les différents
modes de prise en charge.
1. Se doter des outils de connaissance
des publics suivis
Une meilleure connaissance des publics suivis doit permettre
de mieux définir le projet éducatif adapté à
chaque mineur et, pour l'administration de la protection judiciaire
de la jeunesse, de contribuer utilement à l'élaboration
des politiques publiques.
1.1. Mieux définir les projets éducatifs
Les résultats de l'étude épidémiologique
cités brièvement ci-dessus rappellent que tout projet
pédagogique nécessite une bonne connaissance des publics
suivis. Des publics différents appellent des pédagogies
différentes pour tenir compte de l'âge, du sexe, des comportements,
du contexte territorial, des motifs de la saisine par les magistrats.
Ce travail de connaissance doit être en permanence actualisé.
Un projet éducatif doit être élaboré pour
chaque mineur. Il importe pour ce faire de connaître ses difficultés
et d'explorer toutes les questions le concernant : situation familiale,
contexte social, état de santé, bilan scolaire ou bilan
de compétences, consommation de drogues, comportements à
risques, violences subies. Une exploration suffisamment construite de
ces questions à travers une approche interdisciplinaire permet
aussi de mobiliser le mineur concerné par l'intérêt
qui lui est porté.
1.2. Contribuer à l'élaboration des politiques publiques
Chaque service détient une connaissance significative,
à partir des mesures suivies, des conditions de vie des jeunes
sur un territoire donné et, en conséquence, a une réelle
capacité d'expertise qui peut éclairer l'élaboration
des politiques publiques.
Cette fonction d'expertise des services de la protection judiciaire
de la jeunesse est, à ce jour, souvent sollicitée par
les administrations concernées par les mêmes questions,
notamment dans le cadre de la politique de la ville. Elle est essentielle
pour l'élaboration des contrats locaux de sécurité
et des politiques locales en général. Elle peut, cependant,
être encore améliorée.
Vous veillerez à garantir la production régulière
et fiable des statistiques relatives à l'activité des
services et à favoriser la création d'outils complémentaires
d'études ou simplement d'élaboration commune des connaissances.
A cet égard, la démarche des observatoires partagés
de données entre juridictions et services des conseils généraux
apparaît pertinente et devra être développée.
La contribution des CREAIHN ou d'autres organismes régionaux
pourra être sollicitée à ce titre.
2. Mettre en place un accompagnement
éducatif soutenu
Les nouvelles difficultés auxquelles sont confrontés
les mineurs faisant l'objet d'une décision de justice ainsi que
leurs familles, mais aussi l'affaiblissement des potentiels de réponses
en termes d'insertion et d'intégration existants dans l'environnement
social, imposent de repenser les modalités de l'accompagnement
éducatif.
La fonction de relais assurée par le travail éducatif
dans la démarche plus globale de réinsertion sociale acquiert
une importance d'autant plus grande, lorsque les familles sont particulièrement
démunies pour se projeter dans un avenir possible.
La mise en oeuvre d'un accompagnement éducatif soutenu auprès
des uns et des autres est aujourd'hui une nécessité absolue
qui passe par une présence plus affirmée des adultes et
par le recours à des outils spécifiques permettant de
construire cette présence.
2.1. Aider les parents à exercer leurs responsabilités
éducatives
L'inventaire des modalités de travail avec les
familles, qui a été effectué par la direction au
cours de ces derniers mois et qui vous sera prochainement diffusé,
fait apparaître que, si beaucoup de structures disposent d'un
protocole d'accueil des familles au début de la mesure éducative,
tel n'est pas le cas pour les modalités de travail au cours de
la mesure. Certains services invoquent la surcharge de travail, d'autres
contestent l'idée qu'il ne s'agisse que d'une question de moyens
et évoquent une plus grande difficulté à s'adresser
aux parents.
La conduite de l'action éducative doit tendre à favoriser
l'exercice de leurs responsabilités éducatives par les
parents, à faire en sorte qu'ils soient réellement acteurs
de l'évolution de leurs enfants, notamment lorsqu'ils sont placés.
Leur implication dans le déroulement de la mesure est essentielle
pour l'évolution des mineurs concernés.
Il convient de rappeler à cet égard que les décisions
de justice relatives aux mineurs en danger ou délinquants ne
transfèrent pas l'exercice de l'autorité parentale aux
services saisis. En matière civile, les textes demandent que
soit porté aide et conseil à la famille. En matière
pénale, les parents sont obligatoirement convoqués à
tous les stades de la procédure, comme en matière civile.
Ils doivent être rappelés à leurs responsabilités
éducatives, ainsi que l'indique la circulaire du 15 juillet 1998
relative à la politique pénale. Ils sont, en outre, civilement
responsables des dommages commis par leurs enfants.
En raison des caractéristiques du public suivi sur décision
de justice, une attention particulière doit notamment être
portée dans la conduite de l'action éducative au maintien
des relations des adolescents avec leur père et la famille de
leur père, quand les familles sont dissociées, ce qui
est le cas d'une situation sur deux (contre une sur cinq dans la population
générale) et crée des pertes de références
importantes pour les mineurs.
La connaissance ou la reconnaissance des contextes culturels des histoires
familiales des mineurs étrangers ou d'origine étrangère
est un préalable souvent indispensable à leur intégration.
Enfin, doivent être chaque fois évaluées les ressources
éducatives de la famille élargie.
Les travaux engagés avec les parents ou avec des associations
familiales par un certain nombre de services du secteur public et du
secteur associatif devront être diffusés et les projets
en ce sens soutenus ou mis en oeuvre.
2.2. Renforcer la présence éducative auprès
des mineurs pris en charge
Les rapports précités sur le traitement
de la délinquance des mineurs et la prise en charge des mineurs
ont souligné l'écart existant entre les nouveaux besoins
de ces mineurs et les réponses, qui s'avèrent en partie
inadaptées parce qu'elles ont été mises en place,
pour la plupart, à une autre période et dans un autre
contexte.
Ils soulignent la nécessité d'organiser une permanence
de l'accompagnement éducatif, une présence accrue des
professionnels auprès des mineurs et de réaliser avec
eux des projets qui puissent les remobiliser. Ils critiquent la discontinuité
des parcours des mineurs qui réitèrent des infractions
ou qui connaissent les difficultés les plus graves et, au regard
de cette discontinuité, l'absence d'articulation suffisante des
institutions concernées et même des services concernés
à l'intérieur de chacune de ces institutions.
Les mineurs suivis par les services éducatifs ont pour la grande
majorité d'entre eux été confrontés à
une défaillance de la présence des adultes au moment où
cette présence est la plus nécessaire et structurante.
L'objectif de réinsertion de ces mineurs dans la vie sociale
passe par un premier objectif de remobilisation de l'individu, de restructuration
de la personne (travail sur la motivation, le projet, l'estime de soi,
le respect de l'autre...). Cet objectif, pour être atteint, suppose
que le mineur reconstruise une relation positive avec l'adulte. Toutes
les stratégies éducatives envisagées passent par
cette reconstruction qui implique la présence des professionnels
au quotidien, dans des actions et des temps partagés avec les
mineurs.
Cette dimension plus intensive de l'accompagnement éducatif suppose
un renouvellement des pratiques professionnelles qui mettent en oeuvre
des projets qui font appel à des supports d'activité et
à la mobilisation des réseaux existants dans l'environnement
des mineurs.
La présence soutenue des professionnels auprès des jeunes
doit pouvoir se décliner dans les différentes fonctions
éducatives.
Pour le milieu ouvert, elle implique des méthodes de travail
qui intègrent la prise en compte de l'environnement du mineur
et la construction de projets communs. L'exercice de la mesure individuelle
doit être relayé par des temps d'échange, qui peuvent
être collectifs, entre personnels du service et mineurs, mais
aussi avec les familles.
En hébergement, c'est l'élaboration d'un projet d'activités
de jour reposant sur les moyens propres de l'institution mais aussi
sur les ressources du dispositif départemental et des partenaires
qui constituera le support privilégié de l'accompagnement
éducatif quotidien.
Ces différents points seront abordés dans la troisième
partie de ce titre.
2.3. Développer les partenariats éducatifs
L'action éducative doit pouvoir s'appuyer sur de
multiples ressources qui sont, pour partie, extérieures à
l'institution. Près de 500 associations contribuent à
ce jour à l'insertion sociale ou professionnelle des mineurs
placés sous protection judiciaire, dans des domaines très
variés : sport, scolarité, santé, culture, action
professionnelle... Cette collaboration permet de diversifier les réponses
éducatives, de multiplier les projets innovants, de faire bénéficier
les mineurs suivis d'un accès à des équipements
locaux. Le travail éducatif doit prendre en compte la recherche
de solutions concrètes pour les jeunes sur les problèmes
de santé, de scolarité, de formation ou d'accès
à l'emploi.
Trois domaines d'intervention sont prioritaires au regard de l'évolution
du public : la scolarisation, la santé et l'insertion sociale
et professionnelle des mineurs âgés de plus de 16 ans.
2.3.1. La scolarisation
La grande majorité des mineurs suivis par les services
éducatifs ne possède pas les acquis de base qui conditionnent
une possible insertion sociale. C'est la possibilité même
de comprendre les règles du jeu social et, par conséquent,
d'espérer s'y faire une place qui leur est ainsi refusée.
En outre, les jeunes sans qualification voient diminuer, plus que par
le passé, leurs chances d'entrer dans le monde de l'emploi, ce
qui tend à détruire chez eux le désir de se projeter
dans un avenir personnel et collectif.
L'école demeure le lieu privilégié des apprentissages
fondamentaux et de la socialisation, parfois le seul lieu où
les jeunes peuvent acquérir les codes, les repères et
les usages pour vivre en société. La nécessité
du maintien en scolarité des mineurs de moins de 16 ans, sous
la responsabilité de l'Education nationale, doit être constamment
réaffirmée.
En application de la circulaire conjointe entre le ministre de l'Education
nationale et le ministre de la justice en date du 25 août 1985,
les collaborations entre ces deux administrations n'ont cessé
de se renforcer, de se développer et de se diversifier.
Les actions suivantes doivent être poursuivies ou développées
:
- les directeurs départementaux de la protection
judiciaire de la jeunesse, avec les inspecteurs d'académie et
les conseils généraux, doivent organiser des commissions
de suivi des élèves en risque de marginalisation afin
de permettre la recherche précoce de solutions pédagogiques
et éducatives adaptées ;
- les services doivent développer des actions de
suivi scolaire, en lien avec les parents et les enseignants, afin de
mobiliser les mineurs et de prévenir leur exclusion ;
- l'aménagement de la prise en charge scolaire
doit figurer parmi les objectifs éducatifs des services. Parmi
les élèves soumis à l'obligation scolaire, certains
ont cessé toute fréquentation du collège et d'autres
manifestent des comportements incompatibles avec les règles susceptibles
de permettre leur présence dans les établissements.
Des modalités pédagogiques et éducatives
particulières doivent être proposées à ces
élèves : une priorité sera accordée aux
classes-relais en collège, avec la participation éventuelle
de personnels de la protection judiciaire de la jeunesse ou leur expertise
technique.
Sur ce point, le Conseil de sécurité intérieure
du 27 janvier 1999 a accéléré le plan de développement
des classes-relais, pour que 250 puissent fonctionner d'ici l'année
2000 et décidé la création d'internats par le ministère
de l'Education nationale, notamment pour les jeunes issus des quartiers
sensibles. Une note conjointe avec le directeur de l'enseignement scolaire
vous sera prochainement adressée sur ce sujet.
2.3.2. La santé des mineurs
Selon la définition de l'organisation mondiale
de la santé, la santé est un état de bien-être
physique, psychique et social et pas seulement l'absence de maladie
ou d'infirmité.
Les rapports précités, et plus particulièrement
l'enquête de l'INSERM, font apparaître les difficultés
aggravées de santé rencontrées par les mineurs
suivis, ainsi que l'importance des conduites addictives et celle des
comportements à risque (violences et tentatives de suicide).
Par ailleurs, de plus en plus de mineurs présentent des difficultés
importantes sur le plan psychologique et psychiatrique et requièrent
une prise en charge éducative spécialisée.
La connaissance des troubles rencontrés et l'accès aux
soins constituent des modalités indispensables de l'action éducative.
Les actions qui permettent aux mineurs d'être sensibilisés
à leur santé peuvent être multiples et faire appel
au sport, à l'hygiène, à l'alimentation, aux vaccinations,
etc. La santé peut constituer un thème d'action éducative
tout comme l'action éducative peut être de nature à
améliorer la santé des mineurs.
Une enquête récente menée conjointement par la direction
de la protection judiciaire de la jeunesse et la direction générale
de la santé fait apparaître que, si la mise en place d'un
partenariat avec les différents acteurs de santé, et en
particulier les intersecteurs de psychiatrie infanto-juvénile,
est reconnue par tous comme une nécessité, les situations
sont très contrastées selon les départements.
C'est pourquoi les directeurs territoriaux doivent s'attacher à
l'élaboration des partenariats utiles en liaison avec les directeurs
régionaux et départementaux de l'action sanitaire et sociale.
Il est important à ce titre qu'ils participent aux instances
compétentes telles que les conférences régionales
de santé ou les comités départementaux de santé
mentale et qu'ils organisent un maillage avec l'ensemble des acteurs
de santé s'occupant des adolescents : pédiatres, réseau
de médecins généralistes pouvant intervenir de
manière régulière auprès des services, intersecteur
de psychiatrie infanto-juvénile. Les infirmiers et les psychologues
qui interviennent auprès des services doivent être les
premiers promoteurs de ces partenariats.
Un programme d'actions en matière de santé sera annoncé
d'ici la fin du premier semestre 1999.
2.3.3. L'insertion professionnelle
L'accès des jeunes pris en charge aux dispositifs
de droit commun doit demeurer un objectif des services éducatifs.
Les directeurs régionaux s'attacheront à ce que les publics
les plus en difficulté soient pris en compte dans les programmes
régionaux de formation et d'insertion professionnelle. Cet objectif
doit être inscrit de manière prioritaire à l'occasion
de la négociation des prochains contrats de plan Etat-région.
Les directeurs départementaux devront veiller à ce que
soient développées des actions permettant l'accès
à des activités professionnelles ou d'insertion professionnelle,
en particulier pour les mineurs qui ne peuvent bénéficier
des dispositifs de droit commun.
Des actions d'insertion professionnelle peuvent, en effet, être
développées localement en s'appuyant sur un partenariat
très diversifié : les réseaux d'entreprises (création
d'un réseau local d'employeurs, appel à des entreprises
et structures d'insertion ou aux plans locaux d'insertion par l'économique,
lorsqu'ils existent), les missions locales et les PAIO, les agences
locales pour l'emploi, les associations de formation professionnelle,
les organismes qui mettront en oeuvre des actions dans le cadre du programme
TRACE, etc.
Certaines actions partenariales sont susceptibles d'être cofinancées
par le fonds social européen. De même, les actions de solidarité
internationale peuvent bénéficier d'un cofinancement du
secrétariat à la coopération dans le cadre des
opérations Ville-Vie-Vacances.
Enfin, le partenariat peut concerner des actions de parrainage par des
particuliers bénévoles ou des associations qui accompagnent
les mineurs dans leurs démarches d'insertion et de formation
ou qui les familiarisent avec le monde de l'entreprise, comme c'est
le cas de l'association de retraités du monde de l'entreprise
Agir-abcd avec laquelle une convention a été signée
en septembre 1998.
3. Mettre en oeuvre l'accompagnement
éducatif soutenu dans chacune des fonctions éducatives
3.1. L'action éducative en milieu ouvert
Pour mobiliser des préadolescents et adolescents
autour de projets éducatifs concrets, les services doivent pouvoir
faire appel à plusieurs méthodes d'intervention : la construction
d'une relation personnalisée, l'apport d'une approche clinique,
mais aussi, et dans le même temps, l'appel à des supports
d'action diversifiés (remise à niveau scolaire, travail
sur la santé, actions culturelles et sportives...).
Le partage de projets au quotidien avec les mineurs suivis rend une
rencontre possible avec les adultes qui les conduisent et permet aussi
de développer des relations en groupe. Les actions déjà
engagées à ce titre par de nombreux services devront être
développées.
Pour réaliser cet accompagnement éducatif plus soutenu,
il conviendra plus particulièrement de s'attacher aux modalités
de mise en oeuvre suivantes :
- les services devront définir leur lien avec le
dispositif d'accueil de jour départemental et, de manière
plus générale, les collaborations avec toutes les instances
et personnes ressources (services publics, associations, bénévoles...)
susceptibles de proposer des activités pour renforcer et prolonger
l'action éducative ;
- une meilleure articulation doit être trouvée
entre les services qui prennent en charge directement les mineurs ;
elle est à rechercher en priorité avec les services de
l'Education nationale pour permettre la rescolarisation des mineurs
suivis, avec les services de santé pour permettre un suivi et
des prises en charge effectives et avec les missions locales pour l'insertion
professionnelle ;
- l'inscription territoriale des services doit faciliter
la connaissance du contexte d'intervention, le travail en partenariat,
la mobilisation des associations et des professionnels ou bénévoles
qui peuvent intervenir auprès des mineurs et de leurs familles.
Par ailleurs, il convient de réfléchir,
en concertation avec les juridictions, à l'opportunité
de concevoir et mettre en place une modalité de travail éducatif
permettant un renforcement de l'intervention pendant une durée
courte chaque fois que cela s'avère nécessaire : certaines
situations requièrent, en effet, une présence forte plusieurs
fois par semaine, pendant le ou les premiers mois d'intervention.
3.2. Le placement des mineurs
La prise en charge des adolescents les plus difficiles,
placés sur décision de justice, est aujourd'hui fragilisée,
aussi bien dans les établissements du secteur public que dans
ceux du secteur associatif.
Les raisons de cette crise sont multiples : mineurs non accueillis dans
d'autres dispositifs, violence accrue des comportements, difficultés
propres au secteur public liées à la gestion des personnels.
La dimension de l'activité de jour, totalement présente
dans les anciens internats, a été déléguée
à d'autres institutions qui, pour nombre d'entre elles, ne répondent
plus. Certains mineurs placés peuvent être insérés
dans la journée dans d'autres structures, mais ce n'est plus
le cas de la majorité d'entre eux, au moins lors du premier mois
d'accueil.
Il est indispensable d'élaborer, pour tous les mineurs qui font
l'objet d'une décision de placement, une pédagogie de
l'accompagnement éducatif au quotidien.
3.2.1. Mettre en place un projet d'activités pour les mineurs
placés
L'insertion dans les dispositifs de droit commun doit
être l'objectif prioritaire pour les mineurs placés. Dans
l'attente d'une telle insertion, chaque mineur placé doit pouvoir
accéder ou doit être conduit à suivre une activité
de jour, périscolaire, d'insertion professionnelle ou autre,
qui permette d'engager avec lui une action éducative. Les projets
de service devront définir une organisation des contenus de la
journée à partir de la présence des adultes et
d'activités partagées avec les mineurs, en s'appuyant
sur des ressources internes et externes.
Les directeurs territoriaux doivent s'attacher à ce que, pour
le secteur public, l'articulation avec le dispositif d'accueil de jour
soit expressément précisée dans les projets de
service, de même que les partenariats ou l'appel aux intervenants
extérieurs utiles.
Des actions conjointes entre secteur public et associatif habilité
peuvent également être retenues.
Enfin, la décision de recruter des emplois-jeunes, qui vient
d'être prise par le Gouvernement, permettra de développer
des activités dans la journée pour les jeunes qui ne sont
inscrits dans aucune activité scolaire ou professionnelle, sous
la responsabilité d'un éducateur (activités sportives,
culturelles, artistiques, soutien scolaire, etc.).
3.2.2. Organiser le placement immédiat
L'accueil immédiat des mineurs requiert une méthode
d'intervention spécifique : un temps d'évaluation et d'observation
pendant une durée déterminée doit permettre de
définir un projet pour les mineurs accueillis et une orientation
utile. Les projets pédagogiques doivent être élaborés
au regard de cette spécificité.
L'organisation d'un dispositif d'accueil associant le secteur public,
le secteur associatif et l'aide sociale à l'enfance est nécessaire
dans chaque département.
Les directeurs départementaux de la protection judiciaire de
la jeunesse ont été chargés de la mise en place
d'une cellule de coordination en concertation avec les juridictions,
en premier lieu dans les 26 départements prioritaires, conformément
aux décisions du Conseil de sécurité intérieure
du 8 juin 1998. Ce dispositif a vocation à s'appliquer dans tous
les départements.
Les modalités particulières de placement dans les centres
de placement immédiat sont développées dans la
deuxième partie.
Je rappelle enfin que l'organisation d'un dispositif d'accueil immédiat,
quelle qu'en soit la forme, est indissociable de l'accueil à
moyen terme, c'est-à-dire d'une organisation régionale
qui doit permettre d'accueillir l'ensemble des jeunes au terme d'un
bilan-orientation et qui doit comprendre une articulation forte avec
les services éducatifs auprès des tribunaux pour enfants.
3.2.3. Diversifier les modalités de placement
Le placement des mineurs renvoie à des problématiques
très diverses, qu'il s'agisse des âges, des histoires individuelles
ou des objectifs de prise en charge que l'on assigne aux foyers. L'accueil
d'urgence et la prise en charge dans la durée, les situations
de crise et les projets d'insertion individuels ne peuvent être
abordés de la même manière. Les mêmes réponses
ne peuvent pas être apportées pour de très jeunes
mineurs déscolarisés et pour des quasi-majeurs sans activité.
C'est pourquoi, les directeurs territoriaux devront s'attacher à
ce que chaque ressort régional, ou, pour les grands départements
très urbanisés, départemental, dispose d'une gamme
de réponses appropriées et coordonnées entre secteur
public et associatif de la protection judiciaire de la jeunesse et soumise
à une concertation régulière avec les juridictions
concernées. Un tel dispositif devra comprendre, outre les solutions
concernant l'accueil immédiat et les projets de rupture, des
formules de foyers scolaires, des solutions d'hébergement individualisé
et le recours au placement en familles d'accueil.
Ces modalités d'accueil doivent être coordonnées
pour éviter les ruptures de parcours des mineurs. Ainsi, un mineur
accueilli en foyer doit pouvoir bénéficier de séjours
de rupture ou de placements en famille d'accueil s'il y a lieu ; de
tels réseaux de prise en charge devraient, à terme, limiter
les renvois des mineurs des structures.
3.3. Les dispositifs d'activités de jour
Les dispositifs d'accueil de jour ont pour objectif la
remobilisation du mineur en vue de son insertion sociale et professionnelle.
L'objectif n'est plus la qualification professionnelle seule -d'autres
services peuvent intervenir à ce titre - mais l'accompagnement
d'un mineur lors d'un parcours à construire avec lui, en fixant
des objectifs déterminés autour, notamment, de la socialisation,
des capacités relationnelles du jeune, du développement
des compétences de base et de l'acquisition ou réacquisition
des savoirs de base, de la confrontation à la pratique professionnelle,
de l'accès aux dispositifs de droit commun, ainsi que cela a
déjà été abordé lors du comité
technique paritaire national sur l'insertion sociale et professionnelle
en 1994.
Doivent être associées des activités culturelles
ou sportives aux actions à vocation plus professionnelle.
Ceci requiert de développer des pédagogies adaptées,
diversifiées, faisant appel à un travail individuel et
de groupe, et de s'appuyer sur des partenariats actifs, tels des réseaux
d'entreprise ou des associations prêtes à exercer un parrainage
à l'égard des mineurs. Les parents, les familles peuvent
être expressément associés à ces projets
qui permettent de redonner des perspectives pour leurs enfants.
L'ensemble des supports d'activité qui constituent dans un département
une gamme de réponses dans ce cadre doit concourir à la
mission d'accueil de jour des mineurs les plus en difficulté.
Dans chaque département les moyens existants devront être
fédérés.
Pour le secteur public, les centres de jour ont vocation à mettre
en oeuvre des politiques d'insertion. Les activités qu'ils développent
doivent, selon des conditions à définir dans le projet
départemental, bénéficier à des mineurs
qui nécessitent immédiatement une prise en charge éducative
de jour pendant le temps nécessaire à la construction
d'un projet individuel. La coordination de ces activités doit
permettre de constituer un dispositif d'accueil de jour ouvert à
tous les mineurs suivis par les services du département.
II. - PRENDRE EN CHARGE LES MINEURS DÉLINQUANTS
La délinquance juvénile a connu ces dernières
années une évolution préoccupante qui a conduit
le Gouvernement à arrêter lors des Conseils de sécurité
intérieure des 8 juin 1998 et 27 janvier 1999 un plan de lutte
qui mobilise l'ensemble des services de l'Etat. Cette mobilisation se
traduit pour l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse
par une priorité donnée à la prise en charge des
mineurs délinquants.
Quatre points feront l'objet de développements : la spécificité
de l'action éducative en matière pénale, le placement
de mineurs délinquants, le suivi des mineurs incarcérés
et les services éducatifs près les tribunaux (SEAT).
1. La spécificité de
l'action éducative en matière pénale
L'ordonnance du 2 février 1945 édicte un
principe de responsabilité pénale atténuée
pour les mineurs, graduée selon l'âge de l'auteur de l'infraction,
et donne la priorité à l'éducation des mineurs
et à la recherche d'une dimension éducative dans toute
sanction.
L'action éducative conduite à l'égard d'un mineur
délinquant doit prendre en compte à la fois la connaissance
et la reconnaissance de l'histoire culturelle, familiale et singulière
de ce mineur et la portée de l'acte commis. Le mineur doit pouvoir
accéder à ce principe de responsabilité, indispensable
pour l'élaboration de sa propre personnalité, et retrouver
une capacité d'échanges avec son environnement. En cela,
l'action éducative se distingue de celle conduite à l'égard
des mineurs en danger.
Travailler sur l'acte commis c'est, à partir de l'analyse des
faits, conduire le mineur à une meilleure compréhension
de cet acte et de sa responsabilité. Ce travail autour de l'acte
doit donc traverser tout le déroulement de la mesure éducative
pour aider le mineur à progresser dans sa compréhension
des limites et des interdits.
L'action éducative menée auprès du mineur délinquant
doit également prendre en compte la sanction prononcée.
Loin d'être opposées, sanction et éducation sont
deux dimensions indissociables de l'action éducative exercée
dans un cadre pénal.
Si la démarche d'aide est, dans tous les cas, au coeur de l'action
éducative, celle-ci, lorsqu'elle s'exerce dans le cadre pénal,
ne peut faire l'économie de la part d'autorité et de contrainte
nécessaires pour que le mineur reconnaisse son acte et le répare.
Toute démarche d'éducation implique une capacité
de transmission des valeurs, des interdits et une part de contrainte.
La contrainte est présente dans l'action éducative menée
dans le cadre judiciaire, qu'il soit civil ou pénal. Le travail
éducatif mené s'appuie sur ce cadre et doit s'efforcer
de le rendre lisible pour le mineur. En ce sens, l'adhésion du
mineur au projet éducatif est un objectif et non un préalable.
Ces particularités de l'intervention éducative doivent
être mises en oeuvre dans les différentes mesures et peines
prononcées en matière pénale. Elles impliquent
également de veiller tout particulièrement à la
continuité de l'action éducative des mineurs, notamment
lorsqu'ils sont placés ou incarcérés.
1.1. L'exercice des mesures et des peines prononcées au titre
de l'ordonnance du 2 février 1945
Le développement des mesures de réparation
constitue une priorité. Leur intérêt pédagogique
est certain. Cette mesure conduit le mineur à réaliser
un acte positif suite à l'infraction commise. Les parents sont
associés à la mise en oeuvre de la mesure. Une médiation
avec la victime peut être engagée. Cette mesure présente,
en outre, l'intérêt d'associer de multiples intervenants
pour sa mise en oeuvre : sociétés de transport, de logement,
collectivités locales, écoles...
Elle peut figurer dans les contrats locaux de sécurité,
faire l'objet de discussions dans le cadre des conseils communaux de
prévention de la délinquance.
Les directeurs départementaux devront organiser le dispositif
de mise en oeuvre de cette mesure qui doit associer le secteur public
et le secteur associatif habilité, en concertation avec les juridictions.
Des travaux seront engagés sur les contenus qui peuvent être
donnés à cette mesure, les dynamiques qu'elle a permis
de créer, les conditions qui favorisent la restauration de liens
avec l'environnement social.
Pleinement reconnue dans le cas de la liberté surveillée
et, plus récemment, de la réparation, l'approche éducative
vaut tout autant pour la mesure de contrôle judiciaire.
L'exercice de cette mesure doit se faire dans la recherche de contenus
éducatifs afin de trouver une articulation entre ces derniers
et les obligations imposées par le contrôle judiciaire.
Le travail sur la dimension éducative de ce type de mesures demande
à être élaboré davantage et doit faire l'objet
de débats professionnels.
Il en va de même pour ce qui concerne la mise en oeuvre des peines
de travail d'intérêt général et de sursis
avec mise à l'épreuve.
1.2. Organiser la continuité des parcours
éducatifs des mineurs
La délinquance juvénile se caractérise
par la réitération d'infractions par les mêmes mineurs,
sur de courtes durées. L'ensemble des rapports précités
soulignent la discontinuité des parcours de ces mineurs et les
dangers d'incohérence qui en résultent pour l'action conduite.
Toute interruption dans le parcours éducatif favorise le risque
de récidive. Le rôle de "fil rouge" de l'action
éducative tenu par les services de milieu ouvert est déterminant
pour que le passage dans les différentes structures de prises
en charge correspondent à une évolution et non à
une juxtaposition d'échecs.
Les directeurs départementaux devront veiller, chaque fois qu'un
mineur délinquant fait l'objet d'une nouvelle décision
judiciaire, à ce que le service désigné initialement
reste le service référent du mineur. Ils examineront,
avec les services éducatifs auprès des tribunaux et les
services de milieu ouvert, les modalités de mise en oeuvre possible
de cet objectif sur chaque ressort et associeront les juridictions à
cette démarche.
De même, quand une décision d'éloignement est ordonnée,
le service référent doit assurer la continuité
du suivi du mineur. En effet, une décision de rupture ou d'éloignement
d'un mineur, motivée par son intérêt ou par la gravité
des faits commis, est ordonnée pour une durée qui sera
déterminée par l'évolution de la situation. Il
demeure indispensable de suivre cette évolution et de permettre
des décisions cohérentes.
2. Le placement des mineurs délinquants
La spécificité des décisions de placement
des mineurs délinquants est qu'une partie importante de ces décisions
est prise dans l'urgence, soit par le parquet lorsqu'un mineur est interpellé
la nuit, soit par le juge des enfants ou le juge d'instruction suite
à une décision du parquet de déférer le
mineur au tribunal. C'est pourquoi, il est indispensable de mieux organiser
et d'augmenter la capacité d'accueil immédiat des mineurs
délinquants.
En outre, la gravité des faits commis ou le contexte de vie du
mineur peut conduire le magistrat compétent à demander
qu'il soit placé dans un lieu éloigné du lieu de
commission de l'infraction ou de son environnement quotidien.
2.1. Les centres de placement immédiat
Lors du Conseil de sécurité intérieure
du 27 janvier 1999, le Gouvernement a décidé la création
de 50 centres de placement immédiat strictement contrôlés
entre 1999 et 2001. Ces centres s'appuient sur l'expérience acquise
depuis plusieurs années par une dizaine de foyers spécialisés
dans l'accueil d'urgence.
Ils auront pour mission d'accueillir sans délai les mineurs placés
par un magistrat, en priorité sur le fondement des dispositions
de l'ordonnance du 2 février 1945, et devront réaliser
un bilan permettant l'orientation du mineur : bilan psychologique, scolaire,
professionnel, familial, de santé, dans un délai de trois
à quatre mois.
Les mineurs délinquants placés au stade de l'instruction
devront faire l'objet d'un contrôle strict pour éviter
qu'ils ne quittent le centre sans l'autorisation et l'encadrement du
personnel.
Les moyens en personnels seront renforcés.
Ces centres devront s'inscrire dans le dispositif départemental
et régional de coordination défini ci-dessus.
Un cahier des charges définissant les modalités d'intervention
des centres de placement immédiat est en cours d'élaboration
et vous sera prochainement transmis.
2.2. Mettre en oeuvre des projets d'action éducative autour
d'un temps de rupture
Le nombre des centres éducatifs renforcés
sera porté à 100 dans les deux prochaines années.
Conçus comme un élément du dispositif régional,
ils s'adressent en priorité aux mineurs délinquants pour
qui il apparaît nécessaire d'organiser une rupture avec
leurs conditions de vie habituelle.
Le principe de ces dispositifs est l'encadrement quotidien des mineurs
sur une durée déterminée. Ils doivent permettre
un temps de rupture afin de confronter les mineurs à des rythmes
et des modes de vie différents de ceux qu'ils ont précédemment
connus. La présence quotidienne de personnels partageant avec
les mineurs des projets constitue la condition indispensable pour structurer
de nouveaux comportements.
Les projets pédagogiques peuvent être très divers,
ce qui est déjà le cas à ce jour, à la condition
de répondre aux objectifs qui seront définis dans le nouveau
cahier des charges.
Lorsque la rupture implique un éloignement géographique,
les directeurs départementaux des départements d'origine
des mineurs concernés devront définir des modalités
de travail avec les départements d'accueil, afin de favoriser
le suivi de l'action éducative et de faciliter le contrôle
des lieux d'accueil, notamment lorsqu'il s'agit de lieux de vie.
3. Le suivi des mineurs incarcérés
Lorsqu'un mineur est détenu, les services de la
protection judiciaire de la jeunesse gardent une mission de suivi. Un
service référent doit être désigné
à cette fin. Autant que possible, il doit s'agir du service qui
assurait précédemment l'accompagnement éducatif
du mineur.
La participation des services de la protection judiciaire de la jeunesse
aux "commissions incarcération", dans leur double dimension
(institutionnelle d'une part, suivi individuel des mineurs incarcérés
d'autre part), ainsi qu'aux commissions d'application des peines lorsqu'elles
concernent un mineur, leur collaboration à l'élaboration
des projets de service des quartiers mineurs représentent autant
d'axes à investir. Il convient de définir et d'articuler
le rôle de chacun dans le but d'améliorer les conditions
de détention et de suivi des mineurs incarcérés.
Un soin tout particulier devra être apporté à la
préparation et à l'organisation de leur sortie en liaison
avec les services qui prendront alors le relais de l'action menée
en détention : organismes d'insertion, Education nationale, services
sociaux et de santé...
Des travaux spécifiques sont engagés avec les services
de l'administration pénitentiaire sur l'ensemble de ces points.
4. Le rôle du service éducatif
auprès du tribunal
Le service éducatif auprès du tribunal occupe
une place charnière entre la juridiction et l'ensemble des services,
notamment dans l'exercice des décisions pénales.
La prévention de l'incarcération est la mission prioritaire
du service éducatif auprès du tribunal.
Les directeurs régionaux sont chargés de la coordination
des dispositifs d'accueil des mineurs qui font l'objet d'une demande
de mandat de dépôt, entre départements, lorsque
les besoins et les ressources territoriales l'imposent. Un dispositif
régional devra notamment être mis en place dans la région
Ile-de-France.
Les directeurs départementaux doivent organiser le recensement
des places d'accueil disponibles chaque jour dans les structures éducatives
pour que des solutions utiles soient systématiquement proposées
aux magistrats en alternative à l'incarcération. Il leur
appartient de déterminer les modalités de mise en oeuvre
utiles à cette fin et notamment d'assurer la coordination entre
services, en particulier entre les services éducatifs auprès
du tribunal et les autres services.
Toutefois, il apparaît nécessaire de réaliser un
état des lieux des différentes mesures exercées
et des problèmes rencontrés par chaque service éducatif.
Il devra conduire à faire le choix des missions qui leur sont
dévolues dans le cadre de la politique départementale.
C'est à partir de cette redéfinition des missions qu'une
politique d'ensemble pour les services éducatifs auprès
des tribunaux sera déterminée par la direction de la protection
judiciaire de la jeunesse.
Des travaux ont déjà été réalisés
par les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Ils permettront
de préparer un comité technique paritaire national en
1999 sur ce sujet.
III. - LA TERRITORIALISATION DE L'ACTION DE LA PROTECTION
JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
Les orientations qui viennent d'être développées
requièrent une mise en oeuvre adaptée au contexte territorial,
une association étroite des acteurs concernés, une fédération
plus grande des moyens du secteur public et du secteur associatif.
1. Conduire une politique publique
adaptée au contexte territorial
La protection judiciaire de la jeunesse est une administration
du ministère de la justice, placée sous l'autorité
du garde des sceaux, dont la mission est la détermination des
politiques et l'organisation des moyens qui permettent l'exécution
de décisions de justice concernant les mineurs délinquants,
les mineurs en danger et les jeunes majeurs.
Ces décisions de justice sont exercées par le secteur
public de la protection judiciaire de la jeunesse et le secteur associatif
habilité. Son contexte d'intervention est aujourd'hui celui de
la décentralisation, en particulier en matière d'action
sociale et de formation professionnelle.
La conduite de politiques adaptées à l'échelon
territorial requiert une collaboration constante avec les juridictions,
une participation accrue du secteur associatif habilité et une
coordination régulière avec les administrations d'Etat
compétentes à l'égard des mineurs, ainsi qu'avec
les collectivités locales.
1.1. Renforcer la coordination avec les juridictions
Le dispositif français de protection de l'enfance
est fondé, d'une part, sur le principe de spécialisation
d'une même juridiction en matière civile et pénale,
d'autre part, sur l'interaction entre le judiciaire et l'éducatif
dont les rôles sont distincts et complémentaires. De la
qualité des relations entre les magistrats et les professionnels
qui exécutent les mesures prononcées dépend la
cohérence de l'action éducative menée à
l'égard des mineurs et l'efficacité du dispositif départemental
de protection de l'enfance.
Par ailleurs, les directeurs territoriaux sont chargés, en application
du décret du 14 janvier 1988, d'harmoniser les actions du secteur
public et du secteur associatif habilité sur leur ressort, de
définir et d'évaluer les besoins de prise en charge, de
diriger l'activité des services du secteur public.
A cette fin, il est indispensable qu'une coordination régulière
et continue s'instaure avec les différentes instances de la justice
: parquet et siège, à l'échelon régional
et départemental.
Les directeurs départementaux de la protection judiciaire de
la jeunesse doivent notamment veiller à maintenir des échanges
continus avec les présidents et procureurs de la République
des juridictions de leur ressort et avec les magistrats spécialisés
pour mineurs, parquets des mineurs et tribunaux pour enfants, ainsi
que le précise la circulaire du 15 juillet 1998.
Ces échanges doivent porter sur l'élaboration des projets
et schémas départementaux. Ils devront également
s'attacher à la conduite de l'action éducative pour les
mineurs difficiles ou très en difficulté et, à
cette fin, organiser des réunions de travail. En effet, face
à la complexité de certaines situations, il n'est possible
d'élaborer des propositions de travail utiles que si une concertation
régulière existe entre les différents acteurs de
l'institution judiciaire. Ceci est déterminant pour l'organisation
de l'accueil immédiat ainsi que pour la prévention de
l'incarcération des mineurs et l'élaboration de projets
éducatifs appropriés.
A ce titre, ces travaux devront associer les responsables territoriaux
de l'administration pénitentiaire.
1.2. Faire participer le secteur associatif
Le secteur associatif habilité exerce les deux
tiers des décisions de justice. Il constitue un acteur essentiel
des politiques conduites. Il doit être associé plus étroitement
à la mise en oeuvre des orientations ci-dessus définies.
Les travaux engagés sur le renouvellement des méthodes
d'action éducative devront associer les responsables et les professionnels
des établissements et services du secteur associatif habilité.
Leur concours est en effet indispensable pour permettre, d'une part,
leur participation à l'évolution des pratiques professionnelles,
d'autre part, la définition des modalités d'articulation
des capacités et des moyens des deux secteurs.
Il appartient aux directeurs territoriaux de définir, à
chaque échelon, les modalités de concertation appropriée
et de rechercher les modalités d'action qui permettent de développer
les réponses adaptées.
Ils devront veiller à solliciter la participation du secteur
associatif habilité, en priorité, pour le développement
de l'exercice des mesures de réparation et de l'accueil des mineurs
délinquants.
Les procédures d'habilitation doivent permettre de définir
plus précisément le champ d'intervention des associations,
au regard des orientations définies. Des conventions peuvent
en préciser les modalités d'action ou d'organisation.
1.3. Développer un partenariat avec les administrations de
l'Etat
Les services extérieurs de la protection judiciaire
de la jeunesse ne sont pas placés sous l'autorité des
préfets. Cependant, il appartient aux directeurs territoriaux
de participer, dans le respect des attributions de chacun, aux réunions
suscitées par les préfets avec les chefs de services des
autres administrations de l'Etat. Cette coordination est indispensable,
notamment pour la politique de la ville et pour la préparation
des contrats de plan entre l'Etat et les régions.
L'effort de l'Etat pour développer une stratégie de prévention
de la délinquance urbaine implique que les services déconcentrés
soient en capacité d'inscrire l'action de la protection judiciaire
de la jeunesse dans les différents dispositifs de la politique
de la ville. Les directeurs départementaux veilleront à
être présents dans les instances où se définit
une politique locale en matière de prévention et de traitement
de la délinquance juvénile. Une importance particulière
sera portée aux cellules justice-ville qui permettent la coordination
de l'action des juridictions et des services déconcentrés.
En outre, il appartient aux directeurs départementaux de la protection
judiciaire de la jeunesse d'organiser leur représentation, par
délégation, dans les différentes instances de concertation.
Ils sont seuls habilités à signer des protocoles d'accord
avec différents services pour la prise en charge des publics
suivis, les instructions de ces actions pouvant être déléguées
aux directeurs de service.
1.4. Poursuivre l'élaboration de schémas départementaux
conjoints avec les conseils généraux
La démarche des schémas départementaux
conjoints, prescrite par la loi du 6 janvier 1986 sur la décentralisation
dans le domaine de l'action sociale est encore loin d'avoir produit
tous ses effets puisque moins d'un quart des départements ont
signé un schéma. Plusieurs séries de causes peuvent
être avancées pour expliquer la situation actuelle : insuffisante
définition du cadre par la loi, difficulté d'engagement
pluriannuel, temps de réorganisation des collectivités
territoriales...
Cette démarche doit pourtant être poursuivie : elle permet,
par la confrontation des analyses des différents intervenants,
de définir des priorités communes, de rationaliser les
dispositifs, en renforçant les complémentarités,
et d'élaborer les réponses utiles.
Aussi, les directeurs régionaux et départementaux doivent
veiller tout particulièrement à la poursuite de ces travaux.
En l'absence de schéma, des travaux peuvent être conduits
et aboutir à des conventions ou protocoles concernant des actions
spécifiques.
Je rappelle qu'a été engagé, avec l'assemblée
des présidents de conseils généraux et le ministère
de l'emploi et de la solidarité, un travail de diagnostic et
d'évaluation dans une quinzaine de départements, en matière
de signalements, de coordination entre les partenaires du dispositif
de protection de l'enfance, de schémas départementaux
et de prévention de la délinquance, pour déboucher
sur des recommandations de travail. Il sera lancé le 30 mars
prochain et se déroulera pendant un an.
2. Poursuivre la mise en oeuvre d'une
politique départementale
C'est à l'échelon du département
que se construit une politique cohérente d'action éducative.
La circulaire du 22 juin 1990 relative au projet de service de la protection
judiciaire de la jeunesse a conduit à élaborer, pour le
secteur public, une démarche de schéma départemental.
Les indicateurs élaborés en 1990 et 1993 seront réexaminés
et actualisés. Cette démarche fera l'objet de nouvelles
instructions. D'ores et déjà, les directeurs territoriaux
devront s'attacher à ce que les projets départementaux
garantissent les priorités d'action du secteur public ci-dessus
définies.
Ils doivent, d'autre part, s'attacher à coordonner l'action des
différents services du secteur public et du secteur associatif
habilité et à fédérer leurs capacités,
afin de mettre en place dans chaque ressort un dispositif éducatif
approprié.
2.1. Organiser la continuité de l'action éducative
et l'animation pédagogique
L'organisation de la continuité de l'action éducative
est aujourd'hui indispensable pour garantir le renforcement - dans certains
cas la permanence - de la présence éducative auprès
des jeunes confiés à la protection judiciaire de la jeunesse.
L'évolution des méthodes de l'action éducative
est marquée par une diversification croissante des réponses
reposant sur l'individualisation des prises en charge et la territorialisation
de l'action éducative. L'une et l'autre ont conduit à
la mobilisation de supports éducatifs de plus en plus diversifiés
et innovants, que ce soit en matière d'insertion professionnelle,
de remise à niveau scolaire, de lutte contre l'illettrisme, de
logement, de santé, mais aussi d'activités d'expression
culturelle, de loisirs ou sportives.
Cette diversification des réponses éducatives et de leurs
lieux d'exercice, la séparation institutionnelle des principales
fonctions présentent un risque de segmentation des problématiques
et de fragmentation des interventions, si leur mise en oeuvre n'est
pas organisée à partir d'un projet éducatif clair.
C'est celui-ci, en effet, qui permet de faire lien, de mettre en relation
les différentes réponses en les construisant comme autant
de moments complémentaires d'une prise en charge éducative
continue.
Pour développer les réponses éducatives apportées
aux mineurs, les services doivent conduire des actions conjointes ou
coordonnées. Il s'agit, dans chaque département, de mettre
ces réponses en réseau et de favoriser toutes les interactions
nécessaires.
Le directeur départemental conduit le dispositif territorial.
C'est à lui qu'il revient de mettre en liaison, au sein du projet
départemental, les réponses existantes et d'articuler
les moyens et les actions au-delà de la seule juxtaposition de
ces réponses entre les services du secteur public d'un même
ressort et en associant les établissements et services du secteur
associatif habilité. Le service désigné comme référent
pour chaque mineur sera l'élément permanent entre les
différentes étapes du parcours des mineurs.
Une telle organisation doit être accompagnée d'une démarche
d'animation pédagogique ; ceci suppose la conduite de travaux
de réflexion et d'élaboration relatifs aux pratiques professionnelles,
ainsi que des temps de discussion et d'approfondissement impliquant
l'ensemble des professionnels concernés.
Pour rendre cette démarche effective, les directeurs départementaux
doivent s'appuyer sur leurs équipes de direction et, au-delà,
constituer des groupes ressources avec l'apport de personnels de l'institution,
des services comme des instances de formation. En outre, ils pourront
associer d'autres instances travaillant sur des problématiques
identiques ou voisines, en premier lieu celles du secteur associatif.
Je rappelle à cet égard que le Centre national de formation
et d'études a développé des capacités d'intervention
au titre de l'accompagnement des services, qui devront être démultipliées.
Il a reçu pour mission de développer un centre de ressources
qui constituera un indispensable point d'appui pour l'ensemble des services.
Il apparaît également indispensable d'engager une réflexion
sur les modalités permettant d'appuyer les personnels qui peuvent,
à un moment donné, se trouver en situation de fragilité
du fait d'un contexte professionnel plus difficile.
2.2. Territorialiser l'action des services
Une définition du champ géographique d'intervention
des services est indispensable pour améliorer tant la connaissance
du contexte de vie des mineurs et de leur famille que le contenu de
la prise en charge éducative grâce à un appui sur
les ressources locales, ce que seul un service qui intervient de manière
définie et continue sur un territoire donné est en mesure
de faire.
La mise en oeuvre d'une politique départementale passe donc par
la territorialisation de l'action des services et l'instauration de
relations suivies et personnalisées du directeur et des éducateurs
avec l'ensemble des partenaires concernés, afin de leur permettre
d'acquérir une bonne connaissance des circuits associatifs, économiques
et administratifs locaux et de faciliter le règlement des difficultés
éventuelles lorsqu'elles se présentent.
2.3. Conduire l'action des services du secteur public
2.3.1. La mise en oeuvre d'une démarche participative autour
des projets de service
Plusieurs directives ont déjà été
adressées relatives au projet départemental ainsi qu'au
projet de service des établissements.
Une attention particulière doit être portée à
la réalisation de projets pour les services du secteur public
de la protection judiciaire de la jeunesse. Le projet de service doit
permettre de déterminer des objectifs précis, et réalisables,
de favoriser la lisibilité de l'action éducative notamment
auprès de tribunaux. Il s'agit d'un document évolutif,
qui doit être réactualisé chaque année.
Il doit mobiliser et fédérer l'ensemble des personnels
sur un projet commun en s'appuyant sur une démarche participative
qui permet à chacun de situer sa place, sa fonction, le sens
de son activité dans l'institution.
Les directeurs départementaux doivent veiller à ce que
tous les services du secteur public développent un projet de
service écrit, validé par eux-mêmes et par les directeurs
régionaux, réactualisé chaque année, connu
des juridictions du ressort, avant la fin de l'année 1999.
Le principe de lettres de mission établies par l'administration
centrale pour les directeurs régionaux lors de leur prise de
fonction et par ces derniers pour les directeurs départementaux
doit se généraliser pour les directeurs de services.
2.3.2. La constitution d'un collège de direction
La mise en oeuvre d'une politique départementale
passe par l'implication de l'ensemble des personnels du secteur public.
De ce point de vue, les directeurs de services occupent une place déterminante.
L'exigence d'une continuité de l'action éducative implique
le décloisonnement de l'action des services, au-delà de
la spécificité de chacun d'entre eux. Les directeurs départementaux
doivent créer des liens interservices grâce à des
organisations plus transversales où les directeurs de service
peuvent, outre leur rôle de responsables d'une structure, se voir
confier des fonctions en rapport avec la politique départementale
elle-même.
Ces modalités d'organisation doivent permettre de construire
un collège de direction qui regroupera tous les cadres du département.
La redéfinition des fonctions des chefs de service éducatifs,
en adéquation avec la carte d'implantation des emplois, doit
permettre d'assurer la nécessaire animation des services dont
la taille ne justifie pas l'affectation d'un directeur ainsi que la
coordination des services au sein de centres d'action éducative
qui gèrent plusieurs fonctions.
3. Une gestion des ressources humaines
adaptée à l'échelon territorial
3.1. Engager la déconcentration de la gestion des ressources
humaines
Les orientations ci-dessus énoncées supposent,
pour leur mise en oeuvre, que les responsables territoriaux disposent
de compétences et de responsabilités redéfinies
permettant notamment d'adapter les ressources disponibles aux réalités
de leur ressort.
La déconcentration est déjà réalisée
dans deux domaines :
- la gestion budgétaire pour la quasi-totalité
des crédits de fonctionnement des services qui doit permettre
de gérer un budget de service pour un projet de service et la
majeure partie des crédits d'intervention ;
- les procédures de création, tarification
et habilitation du secteur associatif habilité.
En ce domaine, la répartition des compétences
entre directions régionales et directions départementales
de la protection judiciaire de la jeunesse est très différente
d'une région à l'autre, ce qui, en partie, s'explique
par les différences d'équipement d'un ressort à
l'autre et, en partie, par des pratiques différentes. Une étude
précise des répartitions actuelles des fonctions est entreprise.
Il s'agira de redéfinir un cadre commun d'intervention.
Je précise d'ores et déjà que la fonction de contrôle
pédagogique, administrative et financière des établissements
et services appartient aux directeurs régionaux. Cette mission,
dont l'objet est de garantir les conditions de prise en charge des mineurs,
doit être réalisée de manière plus régulière
dans chaque région et fera l'objet de directives ultérieures.
Il convient désormais de déconcentrer la gestion des personnels.
Un groupe de travail associant des responsables nationaux et locaux
de la protection judiciaire de la jeunesse a été constitué
afin d'élaborer les propositions les mieux adaptées pour
l'élaboration du dispositif fixant les règles de répartition
des actes selon les niveaux de compétence (nationale, régionale,
départementale). La réflexion pourra porter également
sur l'amélioration des modalités de recrutement et plus
particulièrement sur la déconcentration de certains concours.
Ses travaux devront aboutir à des propositions à la fin
du premier semestre 1999.
Cet axe de travail est primordial dans une organisation territorialisée
comme celle de la protection judiciaire de la jeunesse qui comporte
un nombre très élevé d'établissements et
de services, dont une proportion significative a une dimension modeste
sur le plan des moyens humains (éléments de centres d'action
éducative multifonctions, annexes, petits services éducatifs
auprès des tribunaux...). La déconcentration devra permettre
de fédérer au mieux les ressources existantes.
La mutualisation des ressources sera poursuivie entre directions régionales
et départementales, avec une différenciation clairement
reconnue des fonctions de direction régionale et départementale.
L'ensemble de ces travaux conduira à la réforme du décret
du 14 janvier 1988 relatif à l'organisation des services, au
repositionnement de chaque échelon territorial.
3.2. Conforter la fonction de direction
Au regard de la démarche de déconcentration
poursuivie, la fonction de direction doit être encore plus précisément
identifiée.
Des réformes importantes sont intervenues en 1992 et 1998 concernant
le statut et les modalités de recrutement des corps de direction.
Une cellule de mobilité vient d'être mise en place auprès
du sous-directeur chargé des affaires administratives et financières
pour favoriser une gestion dynamique de la carrière des directeurs
de la protection judiciaire de la jeunesse.
Ces réformes vont structurer, à terme, une nouvelle administration.
La réforme concernant les directeurs territoriaux conforte la
place de cette administration au sein de l'administration de l'Etat.
La réforme concernant les directeurs de service a permis de construire
le premier niveau d'encadrement de l'institution.
L'ouverture à des candidatures extérieures, qui doit trouver
un équilibre avec l'intérêt qui s'attache aux promotions
internes, conduit à prévoir une gestion différente
des ressources humaines. Un cursus de formation a été
élaboré pour les directeurs de service. Il devra l'être
pour les responsables territoriaux.
Devront être précisées, pour les directions territoriales,
dans chaque ressort, les fonctions devant être exercées,
la détermination et le renforcement nécessaire des équipes
de direction. La fonction de directeur de service, déterminante
pour la conduite des actions à l'égard des mineurs, fera
l'objet de travaux spécifiques.
Dans tous les cas, une attention particulière sera portée
à la fonction d'animation technique et pédagogique et
à la direction des personnels, fonctions déterminantes
pour l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse, dont
l'action repose sur les hommes et les femmes qui y travaillent.
La mise en oeuvre de modalités qui permettent un bon déroulement
du dialogue social fait partie intégrante de la politique locale
et de son animation sur les terrains. Des instances paritaires sont
prévues par les textes, à l'échelon national, régional
et départemental. Vous devrez veiller à ce qu'elles puissent
se réunir régulièrement afin que soient abordées
les questions liées aussi bien à la conduite de l'action
éducative qu'à l'organisation des services. Chaque année,
les directeurs départementaux de la protection judiciaire de
la jeunesse doivent réunir l'assemblée générale
des personnels sur le projet du département pour l'année
à venir et l'évaluation des travaux engagés l'année
précédente.
*
* *
La condition première pour mettre en oeuvre les
orientations définies par la présente circulaire est la
mobilisation de tous les acteurs qui concourent à la mission
de protection judiciaire de l'enfance en danger et délinquante.
Par ailleurs, certaines orientations nécessitent une démarche
d'élaboration des contenus de l'intervention éducative.
Cette double démarche de mobilisation et d'élaboration
implique l'ouverture de travaux professionnels sur les trois axes développés
dans cette circulaire, sous la responsabilité des directeurs
territoriaux, avec le concours des magistrats et du secteur associatif
habilité, selon les modalités pratiques qui figurent dans
le document joint en annexe.
Il est, en effet, essentiel que ce travail soit l'occasion pour les
professionnels de la protection de l'enfance de se rencontrer, d'échanger
sur leurs méthodes et outils de travail, de les approfondir et,
ainsi, d'enrichir mutuellement les pratiques professionnelles, de favoriser
des expériences innovantes, de renforcer la cohésion entre
les services et d'améliorer l'articulation avec les juridictions.
L'apport de moyens exceptionnels, dès l'année 2000, pour
le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, doit permettre
d'engager dans tous les services une démarche de projet en application
de ces orientations.
Vous voudrez bien me faire part des difficultés éventuelles
que vous rencontrerez dans la mise en oeuvre de la présente circulaire.
La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse,
S. PERDRIOLLE
A N N E X E S (1)
_____
Annexe I. - Mise en oeuvre de la circulaire.
Annexe II. - Liste des correspondants régionaux.
(1) Non publiées.