Sommaire :
I.
- LES ACTIONS DE PREVENTION, DE FORMATION ET D'INFORMATION
1. Le rôle de I'Ecole nationale d'administration pénitentiaire
2. Le rôle des directions régionales et des chefs
d'établissements
3. Prévention de l'alcoolisme et gestion des mess
II.
- LES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES ET LEURS MODALITES
D'APPLICATION
1. Les dispositions réglementaires
2. Les procédures de contrôle
3. La situation administrative de l'agent écarté
de ses fonctions en raison d'un état d'ébriété
4. Conséquences à tirer en cas d'ébriété
5. Conséquences du caractère personnel de la faute
de l'agent en état d'ébriété
III.
- L'ORIENTATION DES AGENTS EN CAS DE PRESOMPTION DE MALADIE
ALCOOLIQUE
1. Rôle du chef de service et entretien avec l'agent
2. Rôle du chef de service et orientation vers une personne
qualifiée
3. Rôle du chef de service et accompagnement de l'agent dans
son parcours professionnel
Textes sources
:
CPP - articles
D. 219 et D. 220
Code du travail - articles L. 321-1, L. 231-1-1 et L. 232-2
Code de la santé publique - article L. 3321-1
Décret n° 82-453 du 28 mai 1982
La gestion
de l'alcoolisme dans le milieu professionnel suppose un investissement
particulier des responsables de service. En effet, relèvent
de leurs compétences, d'une part, l'aide à l'agent dans
une démarche de soins pour que ce dernier conserve la capacité
d'exercer ses fonctions et, d'autre part, les exigences de sécurité
collective spécifiques à l'administration pénitentiaire.
Compte tenu du caractère particulièrement sensible de
cette question, il est apparu nécessaire de déterminer
une politique de prévention de l'alcoolisme.
Aussi, la présente note rappelle-t-elle la nécessité
d'informer chaque agent des risques engendrés par la maladie
alcoolique, les règles en vigueur et leurs sanctions, et enfin
les possibilités d'orientation et de soins. Elle précise
également la conduite à tenir en cas de présomption
d'alcoolisation excessive ou de manifestation de maladie alcoolique
concernant un agent dans l'exercice de ses fonctions.
I.
- LES ACTIONS D'INFORMATION, DE PREVENTION ET DE FORMATION
En raison des conséquences physiques et psychologiques de l'alcool
sur l'organisme, de l'évolution potentielle de la prise d'alcool
occasionnelle vers la dépendance alcoolique, de la complexité
à traiter la maladie alcoolique et des risques spécifiques
qu'entraîne cet état en milieu pénitentiaire,
il est de l'intérêt de tous de contribuer à prévenir
les risques d'alcoolisation des personnels pénitentiaires.
Ces risques peuvent concerner tous les agents, quels que soient leur
grade, leur fonction et leur lieu de travail, et peuvent avoir un
retentissement direct sur les capacités professionnelles d'observation,
de réaction et de vigilance, et ainsi mettre en danger les
individus ou la collectivité.
Les facteurs de risque peuvent être augmentés, à
l'administration pénitentiaire, par l'exercice des fonctions
dans un milieu professionnel difficile ; c'est pourquoi, il est essentiel
de développer des actions de sensibilisation et de prévention
tant dans le cadre de la formation initiale que dans celui de la formation
continue.
1.
Le rôle de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire
L'Ecole nationale d'administration pénitentiaire doit développer
des actions de sensibilisation et de prévention sur le risque
alcool.
Ces actions doivent s'adresser à toutes les catégories
de personnels, en formation initiale et continue, et ont pour premier
objectif de sensibiliser, informer et responsabiliser chacun quant
à sa consommation d'alcool, seul ou en groupe, et sur le rôle
de prévention qu'il peut exercer en raison de sa profession.
Elles sont à mettre en place avec l'ANPA (Association nationale
de prévention de l'alcoolisme) et ses représentants
locaux ou des organismes de formation reconnus pour leur compétence
en ce domaine et le service social du personnel, la médecine
de prévention et les psychologues affectés en direction
régionale.
Ces formulations doivent comporter un volet sur la sécurité
routière, le taux d'alcoolémie et les risques encourus,
pour soi-même et autrui, en conduisant après s'être
alcoolisé.
Les personnels d'encadrement doivent également être formés
aux mesures à prendre en cas d'alcoolisation excessive d'un
agent tant sous l'aspect réglementaire que sous l'aspect médico-social
et accompagnement psychologique.
2.
Le rôle des directions régionales et des chefs d'établissements
Des actions de sensibilisation aux risques que peut faire encourir
l'usage d'alcool et l'évolution de la maladie alcoolique seront
à mettre en place progressivement par les chefs d'établissement
dans l'ensemble des sites pénitentiaires tant dans le cadre
privilégié des CHSS que dans celui de la formation continue,
ou de rencontres organisées avec les partenaires institutionnels
et locaux. Ces actions devront permettre aux agents de s'informer
mais également de communiquer sur ce thème et les questions
qu'il soulève.
Elles devront contribuer à une meilleure prise en charge individuelle
et collective des personnels souffrant de conduites addictives.
Le médecin de prévention du site devra être sollicité
par le chef d'établissement pour participer à l'élaboration
et la mise en oeuvre de ce programme, de même que l'assistant
social et le psychologue du personnel.
Les directions régionales veilleront à aider les chefs
d'établissement dans la réalisation de ce programme
en initiant des temps d'échange sur les initiatives locales,
en encourageant la mise en place des temps de formation continue adaptés
aux besoins formulés par les responsables locaux et en leur
facilitant l'accès aux informations sur la problématique
alcoolique (échanges d'expériences, documents, personnes
ressources...). Ils veilleront aussi à ce que les personnels
des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP)
puissent y être associés, soit sur les sites où
ils interviennent habituellement, soit dans le cadre de la direction
régionale ou de formations extérieures.
3.
Prévention de l'alcoolisme et gestion des mess
La politique de mise en conformité des mess avec la réglementation
applicable aux restaurants administratifs doit continuer activement.
En l'occurrence, les mess doivent se limiter à une vente de
boissons non alcoolisées et de boissons alcoolisées
du 2e groupe (art. L. 3321-1 du code de la santé publique),
c'est-à-dire les boissons fermentées non distillées
telles que le vin, la bière, le cidre, le poiré, les
vins doux naturels, et disposer de la licence II correspondante. Ces
boissons ne doivent être servies qu'en accompagnement du repas.
De même, à l'occasion de cérémonies ou
fêtes traditionnelles, pouvant être organisées
aux mess, après autorisation du chef de service, seules des
boissons non alcoolisées ou relevant du 2e groupe pourront
être servies.
II.
- LES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES ET LEURS MODALITES D'APPLICATION
1.
Les dispositions réglementaires
L'article L. 232-2 du code du travail, applicable dans la fonction
publique, interdit à toute personne "d'introduire ou de
distribuer, et à tout chef d'établissement, directeur,
[...], à toute personne ayant autorité [...], :
- de laisser introduire ou de laisser distribuer [...], pour être
consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques, autres
que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l'hydromel,
non additionnées d'alcool [...] ;
- de laisser entrer ou séjourner des personnes en état
d'ivresse."
Tous les locaux de l'administration, selon les termes de l'article
3 du décret du 28 mai 1982 susvisé, sont concernés
par ce texte.
Cependant, s'agissant de la détention, l'article D. 220 du
code de procédure pénale ajoute qu'il est strictement
interdit d'y consommer de l'alcool ou d'y paraître en état
d'ébriété.
2.
Les procédures de contrôle
Les interdictions absolues édictées par les articles
L. 232-2 du code du travail et D. 220 du code de procédure
pénale, dont dépend la sécurité collective,
doivent être connues de toutes les personnes ayant accès
en détention et, notamment, de l'ensemble des agents des services
déconcentrés. Il appartient donc aux responsables de
service de veiller à leur information et d'assurer le respect
de ces prescriptions.
A cette fin, des procédures de contrôle peuvent être
établies.
C'est ainsi que tout agent ayant des troubles caractérisés
du comportement qui apparaissent liés à une alcoolisation
aiguë ou chronique doit être écarté ponctuellement
du service. Le responsable hiérarchique a donc l'obligation
de constater l'incapacité de l'agent à exercer ses fonctions,
de le placer, dans la mesure du possible, avec une tierce personne,
en salle de repos, de prendre attache auprès d'un médecin
et, enfin, d'organiser, selon l'avis médical, son rapatriement
à son domicile ou son transfert à l'hôpital.
Il peut ordonner un alcootest afin d'apprécier l'état
de l'agent et l'empêcher, le cas échéant, de prendre
son service afin de prévenir ou faire cesser une situation
dangereuse. Le fait de présenter des signes manifestes d'ébriété
et le refus de se soumettre à l'épreuve de l'alcootest
sont de nature à justifier des poursuites disciplinaires (CE,
17 février 1995, Hardouin).
Les règlements intérieurs des sites pénitentiaires
pourront être, en tant que de besoin, modifiés afin d'y
insérer des dispositions relatives aux modalités de
contrôle de l'alcoolémie.
L'autorité hiérarchique n'est en revanche pas habilitée
à faire pratiquer, de sa propre autorité, une prise
de sang pour l'évaluation du taux de l'alcool dans le sang.
3.
La situation administrative de l'agent écarté de
ses fonctions en raison d'un état d'ébriété
Le fonctionnaire écarté de ses fonctions en raison de
son état d'ébriété demeure en position
d'activité.
Mais l'absence de service fait entraîne une retenue sur la rémunération
de ce dernier conformément à l'article 20 du titre 1
du statut général. Cette retenue s'analyse comme une
simple mesure comptable à l'égard de laquelle l'administration
ne dispose que d'une compétence liée. Elle s'effectue
suivant la règle dite du trentième indivisible. Celle-ci
consiste à procéder à une retenue égale
à un trentième du traitement indiciaire mensuel, mais
aussi des allocations, primes et indemnités (à l'exception
des avantages familiaux).
4.
Conséquences à tirer en cas d'ébriété
Outre des mesures préventives ou curatives (action de sensibilisation
collective, orientation vers les services compétents), des
mesures administratives particulières peuvent être prises
selon l'état de santé de l'agent concerné.
S'agissant de cas qui relèveraient du domaine médical,
l'administration a la faculté de saisir le comité médical
en vue du placement de l'agent en CLM ou CLD d'office (articles 34
et 35 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986). Si l'agent
est susceptible d'être considéré comme un danger
grave, imminent et vital pour lui ou des tiers, le médecin
de prévention ou les services de secours doivent être
appelés pour le prendre en charge.
Le chef de service est, par ailleurs, en droit d'engager à
l'encontre de l'agent une procédure disciplinaire (CE, 22 décembre
1965, Vialle) dont l'effet dissuasif ne doit pas être négligé.
5.
Conséquences du caractère personnel de la faute de
l'agent en état d'ébriété
Un état d'imprégnation alcoolique est une faute personnelle
détachable de l'exercice des fonctions (CE, 9 octobre 1974,
Commune de Lusignan).
En effet, tout fonctionnaire exerce une mission de service public
et se trouve de ce fait soumis à un devoir d'exemplarité.
Un tel devoir s'impose a fortiori aux agents des services pénitentiaires
en charge d'une mission régalienne de sécurité
publique. Vous noterez à cet égard qu'outre l'article
D. 220 déjà cité, l'article D. 219 du code de
procédure pénale dispose que "les membres du personnel
doivent, en toute circonstance, se conduire et accomplir leur tâche
de telle manière que leur exemple ait une bonne influence sur
les détenus et suscite leur respect".
En conséquence, un agent victime d'un accident, causé
par son état d'imprégnation alcoolique, durant ou à
l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou entre le lieu du travail
et du domicile, ne bénéficie pas du régime des
accidents de service.
Enfin, je vous rappelle que l'existence d'une faute personnelle détachable
du service exonère l'administration de toute obligation de
protection statutaire et notamment de la prise en charge des frais
d'avocat de l'agent mis en cause devant les juridictions civiles ou
pénales à raison de faits commis en état d'ébriété.
III.
- L'ORIENTATION DES AGENTS EN CAS DE PRESOMPTION DE MALADIE ALCOOLIQUE
Outre les mesures immédiates à prendre lorsqu'un agent
présente des troubles caractérisés du comportement
apparaissant liés à une alcoolisation aiguë ou
chronique, il convient d'essayer de prévenir l'évolution
de l'alcoolisme en milieu professionnel par divers moyens, et avec
l'aide des services compétents en la matière.
1.
Rôle du chef de service et entretien avec l'agent
Il est essentiel de ne pas attendre une évolution aggravée
en terme de dépendance, ou un risque de dangerosité
pour lui ou pour les autres, chez un agent souffrant de problème
d'alcool pour intervenir, et lui proposer un soutien adapté.
Lorsque certains signes laissent à penser qu'un agent a des
difficultés à maîtriser sa consommation d'alcool,
il convient d'aborder directement la question avec lui, et de lui
expliquer les raisons motivant cet entretien et l'effet attendu. Cet
entretien doit se dérouler dans un climat de confiance, avoir
pour objectif l'incitation au soin, tout en situant les obligations
professionnelles et les limites à respecter.
2.
Rôle du chef de service et orientation vers une personne
qualifiée
Pour autant, les causes pouvant conduire un individu à une
alcoolisation excessive sont complexes, et souvent empreintes d'une
grande souffrance ; aussi, il est difficile pour l'agent d'y remédier
seul, ou trop rapidement, ou en simple réaction à un
avertissement ou une sanction, et il peut avoir besoin d'un appui
extérieur spécifique. En ce sens, le chef de service
doit lors de l'entretien avec l'agent lui proposer de rencontrer une
personne qualifiée (médecin de prévention, psychologue
du personnel, assistant social...) qui pourra l'aider, et l'orienter
si nécessaire vers un spécialiste. Cette personne qualifiée,
ainsi que le médecin de prévention du site, sera prévenue
par le chef de service de la proposition faite à l'agent lors
de l'entretien et l'agent sera informé de cette démarche.
3.
Rôle du chef de service et accompagnement de l'agent dans
son parcours professionnel
L'agent qui est dans un processus de soins pour remédier à
son problème d'alcoolisme ou qui revient d'une période
d'absence après des soins doit à la fois ne pas être
mis dans des situations incompatibles avec son état et à
la fois ne pas faire l'objet d'une discrimination professionnelle.
Le chef de service, après concertation avec sa hiérarchie,
et avec l'avis du médecin de prévention et de toute
personne qualifiée, veillera à ce que l'agent puisse
remplir ses fonctions de façon adaptée compte tenu de
l'évolution de son état. Il veillera également,
dans la limite de ses compétences et du cadre professionnel,
à ce que le personnel environnant et l'agent travaillent dans
des conditions favorables au respect et à l'équilibre
personnel de chacun.
Cette note doit faire l'objet d'une diffusion élargie à
l'ensemble des agents, et aux partenaires directement concernés
par son application, médecins de prévention, psychologues
et assistants sociaux du personnel. Cette diffusion pourra être
l'occasion de réunions d'information sur les questions complexes
et délicates que peut poser l'alcool dans le cadre professionnel
et sur l'accompagnement des personnes souffrant de dépendance
alcoolique.
L'accent sera mis sur la prévention des risques que fait encourir,
pour l'individu, le groupe et l'institution, une alcoolisation excessive
ponctuelle ou chronique. Cependant, le nécessaire rappel des
règles ne peut être dissocié d'une prise en compte
attentive des difficultés auxquelles chacun est parfois confronté
dans l'exercice de ses fonctions, et de la mise en oeuvre de réponses
adaptées en terme d'information, de formation, de communication
et de soutien.
J'attache une importance particulière à la mise en oeuvre
de cette circulaire et vous demande de me faire connaître sous
ce timbre, avant le 15 mai 2003, les mesures prises ou en cours d'élaboration
concernant la prévention de l'alcoolisme au travail, ainsi
que vos éventuelles observations.
Pour le garde des sceaux, ministre de la justice,
Par délégation :
Le préfet, directeur de l'administration pénitentiaire,
D. LALLEMENT