BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE
n° 82
(1er avril - 30 juin 2001)

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Circulaires de la direction des Affaires crimi
nelles et des Grâces
Signalisation des circulaires du 1er avril au 30 juin 2001

 

Présentation des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale et de ses textes d'application relatifs aux missions judiciaires de la douane

CRIM 2001-06 G3/10-05-2001
NOR : JUSD0130062C

Douane - Police judiciaire

Procédure pénale


POUR ATTRIBUTION

Procureurs généraux près les cours d'appel - Procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d'appel - Premiers présidents de cour d'appel - Magistrats du siège


- 10 mai 2001 -


Sommaire :

I. - CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 28-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
     1. Les domaines de compétence des agents des douanes habilités lorsqu'ils agissent seuls
     2. Les domaines de compétence des agents des douanes habilités, intervenant dans le cadre d'équipes mixtes
     3. Les secteurs traditionnels d'intervention de l'administration des douanes susceptibles de donner lieu à des enquêtes judiciaires à l'initiative des parquets et des magistrats instructeurs

II. - MODALITÉS DE DÉSIGNATION ET D'HABILITATION DES AGENTS DE DOUANE
     1. Les modalités de désignation
     2. Les modalités d'habilitation

III. - LE RÔLE DU MAGISTRAT DÉLÉGUÉ AUX MISSIONS JUDICIAIRES DE LA DOUANE
     1. Les relations entre le magistrat et l'autorité judiciaire
     2. Les relations entre le magistrat et les agents des douanes habilités
     3. Le rôle du magistrat dans la procédure

IV. - LE CONTRÔLE DE L'ACTIVITÉ DES AGENTS DE DOUANES

V. - LES MODALITÉS D'EXERCICE DES MISSIONS DE POLICE JUDICIAIRE
     1. L'enquête de flagrance
     2. L'enquête préliminaire
     3. La commission rogatoire
     4. Dispositions spécifiques en matière de stupéfiants

VI. - L'EXERCICE DES POURSUITES POUR LES AFFAIRES DANS LESQUELLES LES AGENTS DES DOUANES HABILITÉS ONT ÉTÉ SAISIS

Annexes :

Annexe I - Tableaux récapitulatifs des infractions : douane - contributions indirectes - contrefaçons
Annexe II - Imprimé de notation
Annexe III - Modèle de citation

 

Afin d'accroître les moyens des services de police judiciaire spécialisés en matière économique et financière, le législateur a souhaité mettre à la disposition de l'autorité judiciaire des enquêteurs spécialisés issus du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est dans cet esprit que le nouvel article 28-1 du code de procédure pénale résultant de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale dispose que des agents des douanes de catégorie A et B, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, pourront être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction.

Le législateur a ainsi voulu tirer parti de l'expérience acquise en matière économique par les agents des douanes en leur conférant le pouvoir de mener des enquêtes judiciaires, selon les règles du code de procédure pénale, dans des domaines qui constituent le champ habituel de leur activité : fraudes douanières, fraudes en matière de contributions indirectes, de contrefaçons de marques de fabrique, de commerce ou de service, ainsi que les infractions pénales connexes à ces faits.

Ce dispositif qui tend à accroître les moyens mis à la disposition de l'autorité judiciaire s'inscrit dans le prolongement de la constitution des pôles économiques et financiers qui ont également pour objet d'améliorer le traitement des procédures économiques et financières complexes, notamment grâce au recours à des assistants spécialisés.

Il permettra aussi de contribuer à une meilleure protection des intérêts financiers de l'Union européenne, conformément à l'esprit des circulaires diffusées sur cette question (13 avril 1995, 16 février 1996 et 6 décembre 1996).

Il va enfin permettre de renforcer la coopération en matière de lutte contre les grands trafics internationaux, entre les services répressifs des Etats membres de l'Union européenne, qu'ils soient douaniers ou de police judiciaire.



I. - CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 28-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Les agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires ne peuvent intervenir que dans les domaines strictement délimités par la loi. Leur compétence est une compétence d'attribution, à la différence de celle des officiers de police judiciaire.

Ils disposent d'une compétence sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des missions découlant de la mise en œuvre de l'article 28-1 du CPP.

Il convient de distinguer les domaines dans lesquels ils peuvent procéder seuls aux investigations des domaines dans lesquels des équipes mixtes peuvent être constituées à l'initiative des parquets ou des juges d'instruction (les domaines de compétence font l'objet d'une synthèse reprise sous forme de tableaux en annexe I).

1. Les domaines de compétence des agents des douanes habilités lorsqu'ils agissent seuls

Les agents des douanes seront habilités à constater des infractions qui ressortissent à leur domaine habituel de compétence.

Il s'agit pour l'essentiel des fraudes relatives au commerce international (contrebande, importation et exportation sans déclaration…), des fraudes au budget communautaire (ressources propres, FEOGA-Garantie) ainsi que des transferts de capitaux en provenance ou à destination de l'étranger soumis à une obligation déclarative.

Les infractions en matière de contributions indirectes pourront aussi faire l'objet d'enquêtes judiciaires. Il s'agit des infractions prévues par le code général des impôts (alcool et boissons alcoolisées, tabacs, spectacles, garantie des métaux précieux…) mais aussi des infractions spécifiques dans le domaine de la viticulture (ordonnance n° 59-125 du 7 janvier 1959) et des céréales (textes annexés aux décrets de codification du 24 avril 1936 et 23 novembre 1937, loi du 5 juillet 1941…).

Il en va de même des contrefaçons de marques de fabrique, de commerce ou de service (sont visées les infractions prévues par les articles L. 716-9 à L. 716-11 du code de la propriété industrielle : reproduction, imitation, utilisation, apposition, suppression ou modification d'une marque en violation des droits conférés par son enregistrement, importation sous tous régimes douaniers, ou exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaite…).

Les infractions pénales connexes à ces catégories d'infractions pourront être de même constatées par ces agents.

De nombreuses infractions de droit commun peuvent en effet être connexes à des infractions douanières, comme par exemple l'escroquerie et l'abus de confiance dans le cadre du détournement de l'utilisation de sommes provenant du budget communautaire, le faux et l'usage de faux dans le cadre de fausses déclarations d'origine, d'espèce ou de valeur lors du dédouanement de marchandises.

Toutefois, les domaines repris au point I.2 ont été exclus par le législateur de la compétence des agents des douanes habilités agissant seuls. Le trafic de stupéfiants, le trafic d'armes, le vol de biens culturels et le blanchiment de ces trois catégories d'infractions sont expressément exclus du domaine de compétence des agents des douanes, sous réserve de la possibilité qui leur est donnée d'intervenir au sein d'unités constituées temporairement d'agents des douanes habilités et d'officiers de police judiciaire.

2. Les domaines de compétence des agents des douanes habilités, intervenant dans le cadre d'équipes mixtes

A l'initiative du procureur de la République ou du magistrat instructeur, des équipes mixtes composées d'agents des douanes habilités et d'officiers de police judiciaire (policiers ou gendarmes) peuvent être constituées en vue de mener des investigations dans deux domaines spécifiques.

Il s'agit des infractions en matière de trafic de stupéfiants visées aux articles 222-34 à 222-40 du code pénal, des infractions prévues par le décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions et des infractions connexes à ces deux premières catégories d'infraction.

Ces équipes mixtes sont mises en place par le procureur de la République ou le juge d'instruction qui désigne le chef de chaque unité qu'il constitue en fonction des caractéristiques propres à l'enquête (service à l'origine de l'information, compétences des enquêteurs…).

3. Les secteurs traditionnels d'intervention de l'administration des douanes susceptibles de donner lieu à des enquêtes judiciaires à l'initiative des parquets et des magistrats instructeurs

Dans le cadre de ses missions, l'administration des douanes intervient dans les secteurs les plus variés comme celui des intérêts financiers de l'Union européenne, mais également pour protéger les intérêts économiques et financiers nationaux.

Quatre cent cinquante types de contrôles différents sont ainsi exercés dans les relations avec les pays tiers à l'Union européenne, mais aussi dans les relations intracommunautaires et à l'intérieur du territoire national.

Dans ce contexte, des secteurs prioritaires de contrôle ont été définis, dont certains pourraient donner lieu à des enquêtes judiciaires :

1° En matière de politique agricole commune, la douane exerce des contrôles dans le cadre de la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne le FEOGA-Garantie (à titre d'exemple, le versement de restitutions pour certains produits agricoles sous réserve de leur exportation en dehors du territoire douanier de la Communauté européenne se traduit parfois par le non-respect de l'obligation d'exportation et par la revente des produits sur le marché national ou européen).

2° En matière de produits textiles, la douane contrôle les mesures de politique commerciale commune et l'application des préférences tarifaires accordées à certains pays partenaires par la Communauté européenne (à titre d'exemple, certaines entreprises de la Communauté européenne souscrivent de fausses déclarations d'origine, lors de l'importation, afin de bénéficier des dispositions plus favorables accordées à certains pays en matière de taxation ou pour contourner la mise en place d'un quota).

3° Les produits pétroliers : la douane contrôle l'ensemble de la filière pétrolière et assure la perception des impôts qui représentent une ressource importante pour le budget de l'Etat (à titre d'exemple, les produits pétroliers bénéficiant d'une fiscalité privilégiée dans le cadre d'utilisations spécifiques, comme le fioul domestique, peuvent être employés à d'autres fins, comme la carburation de véhicules, au détriment du budget de l'Etat).

4° Les biens à double usage (civil et militaire) : les agents des douanes vérifient dans les échanges intracommunautaires et dans les relations avec les pays tiers, à la circulation ou lors des formalités douanières, que ces biens sensibles ont donné lieu à l'obtention d'une licence d'exportation. L'inobservation de cette formalité constitue un délit douanier de contrebande.

5° Les stupéfiants : la douane intervient en amont lors du franchissement des frontières, mais aussi sur l'ensemble du territoire (en cette matière, les agents des douanes ne peuvent participer aux enquêtes judiciaires qu'au sein d'équipes mixtes constituées avec des OPJ).

6° Les contrefaçons : la contrefaçon constitue un délit douanier indépendamment de l'application des dispositions du code de la propriété intellectuelle (l'importation de jouets sous une marque contrefaite constitue un délit douanier spécifique, ainsi qu'une infraction pénale au titre de l'application des dispositions du code de la propriété intellectuelle).

7° Les régimes douaniers sensibles : la douane contrôle des régimes douaniers susceptibles de présenter une plus grande perméabilité à la fraude comme le régime du transit permettant le transport des marchandises en suspension des droits et taxes (à titre d'exemple, un transport de cigarettes entre la Suisse et le Portugal sous le régime du transit communautaire doit se traduire par un apurement dans le pays de destination soit par le paiement des droits et taxes lors de la mise à la consommation, soit par le placement sous un autre régime permettant la suspension ou l'exonération des droits et taxes ; la fraude consiste à apurer le régime avec de faux cachets douaniers pour obtenir l'exonération du paiement, tout en commercialisant les cigarettes sur le marché communautaire).

8° Le trafic par conteneur : la douane procède à de nombreuses vérifications de ce vecteur de transport qui a pris une part non négligeable dans l'activité des ports européens et qui peut masquer des trafics en tout genre (contrebande de cigarettes, trafic d'espèces protégées de la faune ou de la flore, stupéfiants. A titre d'exemple, des matériels HI-FI peuvent être dissimulés dans les chargements afin d'échapper à la taxation et alimenter ensuite l'économie souterraine).

9° La protection des consommateurs et de l'environnement : la douane vérifie le respect de la réglementation des déchets et procède à des vérifications de normes techniques (jouets, matériels électriques…) à l'occasion des importations (à titre d'exemple, des importateurs peu scrupuleux ont pu s'affranchir du respect des normes de sécurité lors de l'importation de fours à micro-ondes, de guirlandes électriques ou de lunettes d'éclipse).

10° Les droits antidumping : la douane contrôle des mesures antidumping destinées à protéger l'industrie communautaire (à titre d'exemple, des marchandises vont être déclarées originaires d'un pays non soumis à ce dispositif alors qu'elles proviennent en fait d'un pays pratiquant le dumping et soumis aux mesures communautaires visant à sauvegarder les conditions de concurrence).

11° Les contributions indirectes : la douane intervient sur les plans fiscal et économique concernant de nombreux produits réglementés (alcool, tabac, métaux précieux ; à titre d'exemple, un professionnel du commerce des alcools pourra omettre de déclarer son activité afin d'échapper au paiement du droit de consommation sur les alcools).

Dans toutes ces matières, il conviendra que soient déterminées, en étroite concertation entre les parquets généraux et la direction générale des douanes et des droits indirects, des politiques d'emploi des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires, à partir de critères définis en commun.

© Ministère de la justice - Septembre 2001

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