1
Cabinet du garde des Sceaux
Signalisation des circulaires
du 1er avril au 30 juin 1999
Circulaire
relative aux réponses judiciaires aux toxicomanies
CAB 99-01/17-06-99.
NOR : JUSA9900148C.
Toxicomanie
|
LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
POUR ATTRIBUTION
Mesdames et Messieurs les Premiers Présidents des
Cours d'Appel, les Procureurs Généraux près lesdites
Cours,
les directeurs régionaux des services pénitentiaires, les
directeurs régionaux
de la protection judiciaire de la jeunesse,
les préfets, les Chefs de projet "toxicomanie",
les présidents de Tribunaux de grande
instance,
les procureurs de la République, les directeurs
d'établissements pénitentiaires,
les directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation
- 17 juin 1999 -
SOMMAIRE
1. L'adaptation des réponses
judiciaires aux problématiques des toxicomanes majeurs
1.1. L'adaptation des réponses judiciaires nécessite
une meilleure appréhension de la situation des personnes toxicomanes
présentées à la Justice
1.2. L'adaptation des réponses judiciaires au cours
de l'enquête initiale
1.3. L'adaptation des réponses judiciaires dans
la phase présentencielle
1.4. L'adaptation des réponses judiciaires dans
la phase sentencielle et postsentencielle
2. L'adaptation des réponses judiciaires àux
problématiques des mineurs usagers de drogues
2.1 L'adaptation des réponses judiciaires aux toxicomanies
des mineurs dans le cadre pénal
2.2. L'adaptation des réponses aux toxicomanies
des mineurs dans le cadre de l'assistance éducative
3. Les réponses judiciaires doivent être
articulées avec celles des autres intervenants a l'éhelon
local
Le contexte général de la lutte contre la toxicomanie a
considérablement évolué ces dix dernières
années. Les substances consommées se sont diversifiées,
de nouveaux produits de synthèse sont apparus. Lexpérimentation
du cannabis sest répandue chez les jeunes et certains dentre
eux consomment simultanément plusieurs produits psychoactifs licites
ou illicites. Dune manière générale, léventail
des publics touchés et des pratiques dusage sest ouvert.
Ces évolutions ont conduit les politiques de prévention
à prendre en compte lensemble des situations de dépendance
à un produit, quil soit licite ou illicite, et à les
aborder à travers une approche éducative globale destinée
à informer sur les conduites à risques.
Par ailleurs, le développement des maladies transmissibles parmi
les usagers de drogue par voie intraveineuse et, plus généralement,
laggravation de la situation sanitaire et sociale des consommateurs
dépendants ont modifié les modalités de prise en
charge des toxicomanes et la conception des soins : les traitements de
substitution et la politique de réduction des risques en sont la
traduction. Après une concertation interministérielle, il
mest apparu nécessaire de préciser les conséquences
quil convient de tirer de ces évolutions pour laction
de la Justice.
En effet, si lintervention judiciaire nest pas le seul mode
de régulation sociale traitant des problèmes liés
aux toxicomanies, la Justice doit néanmoins tenir sa place au carrefour
des politiques sanitaires et sociales dune part, répressives
dautre part. Conformément à la lettre et à
lesprit de la loi du 31 décembre 1970, lusage de stupéfiants
est un délit passible dune peine demprisonnement dun
an et dune amende de 25 000 francs ; cest aussi une conduite
à risque qui justifie que lon prenne toujours en considération
la relation de la personne au produit et que lon privilégie,
dans certains cas, lintervention de professionnels du réseau
sanitaire et social.
Les présentes directives ont donc pour objet de définir,
dans le cadre législatif existant, les orientations de la politique
pénale de lutte contre la toxicomanie, qui tendent vers les objectifs
suivants :
- réduire la consommation de drogue et diminuer le nombre de
nouveaux consommateurs ;
- lutter contre la délinquance associée ;
- prévenir et diminuer les dommages sanitaires et sociaux liés
à lusage et à labus de drogue ainsi quà
la dépendance qui peut en résulter pour certaines personnes.
Ces objectifs sinscrivent dans la mission plus générale
de prévention de la récidive incombant à la Justice,
grâce aux mesures favorisant linsertion sociale. Ils peuvent
être étendus aux personnes poursuivies pour un délit
lié à labus dalcool ou même pour dautres
faits dont la commission est liée à une conduite toxicomaniaque.
Dans cette perspective, les réponses judiciaires doivent être
plus diversifiées et intégrer, au même titre que la
gravité objective des infractions, les besoins de soins et dinsertion
sociale des usagers de drogue interpellés, et ce tout au long de
la procédure. La distinction des comportements dusage occasionnel,
dabus ou de dépendance aidera à choisir entre les
différentes options procédurales (I).
La toxicomanie des mineurs doit faire lobjet dun traitement
spécifique, privilégiant une approche pluridisciplinaire,
médicale, éducative et sociale (II).
Enfin, ces orientations nationales devront être déclinées
localement au sein des instances interinstitutionnelles prévues
à cet effet et trouver leur traduction dans les conventions départementales
dobjectifs, là où elles existent (III).
I. - Ladaptation des réponses
judiciaires aux problématiques des toxicomanes majeurs
Cette adaptation nécessite une meilleure appréhension
de la situation des personnes présentées à la Justice.
Elle doit être recherchée depuis linterpellation jusquà
la sortie de prison.
1. Ladaptation des réponses judiciaires
nécessite une meilleure appréhension de la situation des
usagers de drogues présentés à la Justice
A tous les stades de la procédure, la prise en compte
de la personnalité de lintéressé, de son mode
de consommation et du contexte général dans lequel il évolue
(famille, activité professionnelle, scolaire, périscolaire,
domicile, conditions de vie...) permet lindividualisation de la
décision judiciaire et le choix de la mesure la mieux adaptée.
1° Les procureurs de la République recourront plus souvent
aux enquêtes sociales rapides prévues à larticle
41 du code de procédure pénale pour des personnes pour lesquelles
cette mesure nest pas légalement obligatoire, après
concertation avec les services pénitentiaires dinsertion
et de probation et les associations habilitées.
2° Dans le cadre dinformations judiciaires, je vous rappelle
lintérêt des enquêtes sur la personnalité
prévues à larticle 81 du code de procédure
pénale et surtout des expertises médico-psychologiques ou
psychiatriques.
3° Dans le cadre de larticle D. 49-1 du code de procédure
pénale, lorsque le juge de lapplication des peines est saisi
par le ministère public, il apparaîtrait également
opportun que soit plus fréquemment établi un rapport sur
la situation de la personne condamnée, lorsque les faits commis
sont en lien avec une conduite addictive.
4° Dans lhypothèse dune détention, les procureurs
de la République semploieront à améliorer la
communication des renseignements de personnalité à létablissement
pénitentiaire.
2. Ladaptation des réponses
judiciaires au cours de lenquête initiale
Le rôle des procureurs de la République apparaît
fondamental à ce stade. Les principes de leur action sont les suivants
:
- la compétence du parquet du lieu de domicile de lintéressé
doit être systématiquement privilégiée ;
- en ce qui concerne les interpellations et les placements en garde
à vue dusagers de stupéfiants, les procureurs de
la République attireront particulièrement lattention
des services de police et de gendarmerie sur les personnes dont la consommation
cause des dommages sanitaires ou sociaux pour elles-mêmes ou pour
autrui. En revanche, sont à proscrire les interpellations, du
seul chef dusage de stupéfiants, à proximité
immédiate des structures «à bas seuil» ou
des lieux déchange de seringues, ces derniers devant être
fixés par lautorité sanitaire après concertation
avec lautorité judiciaire et les services de police. A
cet égard, et en tous lieux, le seul port dune seringue
ne doit pas être considéré comme un indice suffisant
dinfraction, susceptible de justifier une interpellation.
Dune manière générale, les interpellations
de simples usagers, dans la mesure où elles ne seraient pas indispensables
pour enquêter sur des trafics, donneront lieu à des procès-verbaux
simplifiés.
1° Les procureurs de la République sattacheront également
à ce que la continuité des soins au cours de la garde à
vue sapplique aux prescriptions de traitements de substitution.
2° Les alternatives aux poursuites doivent être diversifiées,
linjonction thérapeutique nayant pas vocation à
concerner lensemble des publics touchés par la toxicomanie
mais prioritairement les personnes dépendantes.
3° De nombreuses situations rendent nécessaires un rappel à
la loi, sous la forme dun classement avec avertissement, qui sappréciera
au regard de la personnalité de lauteur et de ses habitudes
de consommation. Cette mesure semble notamment bien adaptée aux
consommateurs occasionnels de produits stupéfiants, surtout de
cannabis, dont la situation ne paraît pas nécessiter de soins
mais justifie une réponse judiciaire.
4° Le classement avec orientation vers une structure sanitaire, sociale
ou professionnelle (associations, soignants, services sociaux institutionnels,
mission locale, réseau information-jeunesse), après concertation
avec la DDASS, doit être développé pour répondre
à plusieurs types de situations exposées en annexe II.
5° Lorsquil apparaîtra nécessaire de poser à
lintéressé des exigences plus importantes, un classement
sous condition pourra être prononcé, la condition qui sattache
à la décision de classement étant constituée
par lobligation de se rendre auprès de la structure désignée
et den justifier.
3. Ladaptation des réponses
judiciaires dans la phase présentencielle
Entre lengagement des poursuites et laudience
de jugement, le prévenu doit être particulièrement
sensibilisé à lintérêt de commencer une
démarche dinsertion ou de soins. Selon le profil des personnes
poursuivies, cette orientation peut être plus ou moins encadrée,
quil sagisse dune incitation aux soins ou dun
contrôle judiciaire socio-éducatif avec obligation de soins,
tels que décrits en annexe II.
4. Ladaptation des réponses
judiciaires dans les phases sentencielle et postsentencielle
Lemprisonnement ferme à lencontre dun
usager nayant pas commis dautre délit connexe doit
constituer un ultime recours.
Les ajournements de peine, les peines alternatives à lincarcération
et les mesures daménagements de peines restent trop rarement
prononcées en faveur des toxicomanes. Pourtant, il sagit
de mesures structurantes dont la mise en oeuvre à légard
des personnes présentant une dépendance avérée
aux opiacés est aujourdhui facilitée par les traitements
de substitution qui rendent possible une stabilisation de létat
des intéressés. Cest pourquoi, sans méconnaître
la gravité des infractions commises, les procureurs de la République
sattacheront, lors des audiences correctionnelles ou lors des commissions
dapplication des peines, à ce que soient prononcées
de telles mesures à légard des toxicomanes dont le
motif de condamnation est en lien avec lusage de drogues.
En vue dune prise en charge rapide des personnes condamnées,
ils veilleront à requérir lexécution provisoire
de la décision. Dans le même objectif, la tenue de permanences
par les services pénitentiaires dinsertion et de probation
pendant les audiences correctionnelles est à privilégier.
Sur la base dune meilleure connaissance des publics placés
sous main de justice, les juges de lapplication des peines et les
services pénitentiaires dinsertion et de probation devront
rechercher des modes de collaboration plus actifs et plus structurés
avec les partenaires de linstitution judiciaire. Les projets mis
en place et leur évaluation devront être portés régulièrement
à la connaissance des juridictions de jugement.
Enfin, lorsque la nature des faits, les antécédents judiciaires
et la personnalité du prévenu justifient le prononcé
dune peine demprisonnement ferme, la période de détention
doit être mise à profit pour favoriser une prise en charge
des problèmes de dépendance du condamné : dès
laccueil et pendant toute la durée de la détention,
un meilleur repérage des personnes toxicomanes en vue dune
orientation vers les structures sanitaires ou spécialisées
est indispensable. Une concertation entre les différents services
pour des prises en charges individualisées et adaptées,
notamment dans le cadre du projet dexécution de peine dans
les établissements pour peines, est à développer.
En tout état de cause, la préparation à la sortie
et la continuité des prises en charge entre le milieu fermé
et le milieu ouvert doivent être une préoccupation permanente
des établissements et des services pénitentiaires dinsertion
et de probation.
II. - Ladaptation des réponses
judiciaires aux problématiques des mineurs usagers de drogues
Les réponses judiciaires concernant les mineurs peuvent
relever dune procédure civile en assistance éducative
ou pénale dans le cadre de lordonnance du 2 février
1945. Le choix de la procédure en matière de toxicomanie
doit être réalisé en tenant compte de plusieurs facteurs
: la nature et la gravité de lacte, le produit utilisé,
la situation du mineur.
1. Ladaptation des réponses
judiciaires aux toxicomanies des mineurs dans le cadre pénal
La circulaire du 15 juillet 1998 a dores et déjà
fixé les orientations de la politique pénale à légard
des mineurs. Il conviendra de sy reporter. Cependant, certaines
précisions sont à apporter en matière dusage
de stupéfiants.
1.1. Lorientation des procédures pénales
Les études les plus récentes montrent quil
est déterminant pour les jeunes de prévenir lusage
et, quand lusage existe, de prévenir sa répétition
ou son abus.
1° Cest pourquoi, à légard des mineurs
qui ne présentent pas de difficulté personnelle ou sociale
méritant une intervention éducative et impliqués
dans un simple usage ou une vente occasionnelle, doivent être privilégiées
des mesures de rappel de la loi, de classement sous condition, de non-renouvellement
notamment, précisément notifiés aux intéressés
et à leurs représentants légaux, réalisées
par le substitut spécialement chargé des affaires de mineurs
ou par le délégué du procureur de la République.
2° En raison de leurs modes dintoxication, les mineurs
ne sont quexceptionnellement concernés par la mesure dinjonction
thérapeutique, qui nécessite en ce qui les concerne lavis
des parents.
3° Certains mineurs sont fortement impliqués dans la
diffusion des produits, au sein des écoles ou à lextérieur,
parfois dans de véritables réseaux économiques parallèles.
La répétition dinfractions et/ou limplication
dans le trafic de stupéfiants justifient la saisine systématique
du juge des enfants ou du juge dinstruction spécialisé
dans les affaires de mineurs dans le cadre de lordonnance du 2 février
1945.
1.2. Les investigations
En cas dusage occasionnel de drogue, une première évaluation
par le service éducatif auprès du tribunal est utile. Si
cet usage se révèle important, une saisine du juge des enfants
aux fins dinvestigations approfondies sera nécessaire.
A plus forte raison, lusage de drogue lié à la participation
active au trafic de stupéfiants nécessite quil soit
recouru à des investigations approfondies relatives à la
personnalité et aux relations familiales des mineurs concernés,
dans un objectif de recherche des mesures éducatives et des sanctions
appropriées. Il appartient aux procureurs de la République
de les requérir.
1.3. Les réponses éducatives spécifiques
de lordonnance du 2 février 1945
Il convient de recourir à toute la palette de réponses
éducatives pour permettre une intervention adaptée aux conduites
addictives et de participation au trafic repérées ; je vous
rappelle à cet égard lintérêt des mesures
de liberté surveillée, de mise sous protection judiciaire
ou de placement en établissement éducatif ou sanitaire.
1.4. Les mineurs détenus
Il importe de mettre en place une véritable prise en charge coordonnée
et complémentaire des mineurs toxicomanes détenus, impliquant
tant les services de la protection judiciaire de la jeunesse, et spécialement
les services éducatifs auprès des tribunaux, et de ladministration
pénitentiaire que le personnel soignant intervenant en détention
et les associations spécialisées en la matière. Quil
existe ou non une situation de dépendance à un produit,
une visite auprès dun personnel soignant particulièrement
sensibilisé à la toxicomanie devra, autant que faire se
peut, être systématisée au-delà de la simple
visite médicale de tous les mineurs entrant en détention.
Par ailleurs, les services de la protection judiciaire de la jeunesse,
en lien avec ceux de ladministration pénitentiaire et avec
les parents des mineurs concernés, sattacheront à
aider les jeunes détenus à construire un projet de sortie
qui intègre un accompagnement éducatif, sanitaire ou thérapeutique,
à chaque fois quil savère indispensable.
2. Ladaptation des réponses
aux toxicomanies des mineurs dans le cadre de lassistance éducative
Chez certains jeunes, la consommation de drogues constitue un symptôme
de difficultés dordre à la fois personnel, familial
et social. Les réponses judiciaires dans le cadre civil de lassistance
éducative doivent alors être dautant plus utilisées
que se développent de façon inquiétante des conduites
addictives à laide de substances non classées comme
stupéfiants telles lalcool ou les médicaments.
Les parquets des mineurs demanderont à être systématiquement
avisés de ces situations afin quils puissent saisir les juges
des enfants chaque fois quapparaît une notion de danger et
que les services sociaux du département ne peuvent intervenir en
labsence dun accord de la famille, pour permettre une évaluation
approfondie de la situation dans sa globalité.
III. - Les réponses judiciaires
doivent être articulées avec celles des autres intervenants
à l'échelon local
Lefficacité de lautorité judiciaire dans ses
réponses à la toxicomanie passe par une collaboration approfondie
avec les autres acteurs, institutionnels ou associatifs, concernés
par la lutte contre la drogue.
Cette collaboration exige au préalable une concertation interne
à linstitution judiciaire, spécialement au sein des
cellules Justice-Ville, entre les magistrats et les représentants
de ladministration pénitentiaire et de la protection judiciaire
de la jeunesse.
Cette concertation interne doit avoir pour résultat de renforcer
la position de la Justice au sein de toutes les instances interpartenariales
locales traitant, à des degrés divers, de la lutte contre
la drogue et la toxicomanie :
1° Les représentants de la Justice participeront ainsi
activement aux travaux des comités restreints de lutte contre la
drogue et la toxicomanie, organes spécialisés et lieux de
coordination et dont les conseils départementaux de prévention
de la délinquance constituent les organes de concertation, aux
termes de la circulaire du Premier ministre du 9 juillet 1996 relative
à la lutte contre la drogue et la toxicomanie au niveau départemental
;
2° Les conventions départementales dobjectifs
sont apparues comme un outil concret et pertinent permettant lanimation
dune politique publique ciblée. La note dorientation
de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la
toxicomanie datée du 12 février 1999 et la note de la chancellerie
du 22 avril 1999 qui la accompagnée précisent larchitecture
de ces conventions, qui constitueront un moyen dinscrire dans les
faits certaines des présentes orientations. Le dispositif a été
généralisé dans la mesure où la toxicomanie
et lalcoolodépendance sont des phénomènes qui
dépassent le cadre de la géographie prioritaire de la ville
auquel les conventions départementales dobjectifs étaient
initialement rattachées ;
3° Les contrats locaux de sécurité enfin permettent
à la fois de dresser un état des lieux et de décloisonner
les dispositifs de prévention, de répression et de soins
en améliorant la communication entre eux et en élaborant
avec les élus locaux certains projets comme la création
de postes de travail dintérêt général
adaptés.
Je vous prie de bien vouloir madresser dans un an un bilan dapplication
des instructions figurant dans la présente circulaire.
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
ÉLISABETH GUIGOU
LISTES DES A N N E X E S
_____
Les réponses judiciaires aux toxicomanies
Annexe I. - L'évolution
du contexte général de la toxicomanie
Annexe II. - Les réponses judiciaires aux
toxicomanies des majeurs
Annexe III. - Les réponses judiciaires aux
toxicomanies des mineurs
Annexe IV. - Larticulation des dispositifs
locaux de lutte contre la toxicomanie
Annexe V. - Quelques expériences locales
A N N E X E I
_____
Lévolution du contexte
général de la toxicomanie
I. - LES POLITIQUES DE SANTÉ PUBLIQUE ONT CONNU UNE PROFONDE ÉVOLUTION
Celle-ci est liée à lévolution de la toxicomanie
elle-même dont les caractéristiques sont les suivantes :
- les produits toxiques, licites ou illicites se sont diversifiés
(crack, ecstasy, médicaments psychotropes comme les tranquillisants,
somnifères et anxiolytiques). Les modes de consommation se sont
transformés. On peut observer, notamment chez les plus jeunes,
un développement de la polytoxicomanie (drogues illicites, médicaments
et alcool) ;
- il existe une forte prévalence des virus VIH (15 %) et hépatiques
(entre 50 et 70 %) dans le public toxicomane et plus particulièrement
chez ceux qui utilisent la voie intraveineuse. On observe de plus en
plus daffections psychiatriques associées ;
- la marginalisation croissante des usagers de drogues reflète
la montée de la précarité dans les années
récentes.
La politique de santé publique en faveur des personnes toxicomanes
a, en conséquence, mis laccent sur :
- laccès aux soins des personnes toxicomanes tant dans
le dispositif sanitaire spécialisé que général
;
- une meilleure prise en compte de la dimension sociale de la toxicomanie
;
- le développement de la politique de réduction des risques
permettant de mettre en oeuvre une démarche de soins par des
réponses de proximité.
Dans cette optique, différentes mesures sont mises en oeuvre :
- le développement et la diversification des structures de
soins spécialisés ;
- la mise en place de traitements de substitution, qui a constitué
une évolution majeure. Ces traitements impliquent, à des
degrés divers, médecins libéraux, professionnels
hospitaliers et centres spécialisés de soins aux toxicomanes.
Cette collaboration se concrétise notamment dans le cadre des
réseaux Ville-Hôpital.
Par ailleurs, les hébergements durgence «sleep in»,
les lieux de vie et de contact «boutiques», ainsi que les
programmes déchanges de seringues, permettent dentrer
en contact avec un public toxicomane ne fréquentant pas le dispositif
sanitaire, en proposant un accueil pour lécoute, amorce dune
démarche de soin.
En ce qui concerne les plus jeunes, des actions de prévention visant
à lutter contre les conduites à risques ont été
mises en place. Les «point daccueil et découte»
jeunes et parents, situés notamment dans les quartiers difficiles,
répondent à cette préoccupation. Dans les établissements
scolaires, les comités déducation à la santé
et à la citoyenneté constituent le cadre privilégié
de définition et de mise en oeuvre de la prévention des
conduites à risques. Ces comités doivent, sous limpulsion
des autorités académiques, être rapidement généralisés
à la totalité des établissements.
Lensemble de ce dispositif de réduction des risques et dapproche
sociale de la toxicomanie facilite lorientation adaptée des
usagers de drogues vers les structures de soins spécialisées
ou générales.
En résumé, il apparaît que lamélioration
de laccès aux soins et la diffusion des traitements de substitution
ont favorisé une meilleure prise en charge sanitaire et sociale
des personnes dépendantes aux opiacés.
II. - LES CONCEPTIONS RELATIVES A LA PRÉVENTION
DES CONDUITES ADDITIVES ET A LA PRISE EN CHARGE DES CONSOMMATEURS DE SUBSTANCES
PSYCHOACTIVES ONT ELLES AUSSI ÉVOLUE
La politique de prévention a connu des changements progressifs
qui visent notamment :
- à prendre en compte lensemble des pratiques addictives,
sans pour autant nier la spécificité de leurs effets biochimiques
et les différences de statuts sociaux et légaux ;
- à considérer un comportement au regard de lensemble
de la vie psychique de lindividu et notamment de sa pratique de
consommation, sans se limiter aux seuls dommages causés par lusage
de produits toxiques (alcool, médicaments psychotropes, substances
psychoactives et produits dopants) ;
- à promouvoir la capacité des individus à identifier
les actes dommageables pour leur santé, à adopter une
attitude citoyenne et à devenir acteurs et responsables de la
conduite de leur vie, et plus particulièrement de leur santé.
La prise en charge des personnes faisant usage de produits toxiques
intègre, en conséquence, plusieurs aspects :
- lapproche du comportement de consommation ne peut être
limitée au seul produit, ni au seul aspect sanitaire de la situation
dun toxicomane. Elle doit comprendre lensemble des données
sociales, professionnelles, familiales ou psychologiques de lintéressé
;
- pour les jeunes, une approche éducative globale par rapport
aux phénomènes de toxicomanie doit prévaloir. Il
est, par exemple, évident que les jeunes confiés à
la protection judiciaire de la jeunesse présentent des difficultés
dordre à la fois personnel, familial et social dont lusage
de produits stupéfiants ne constitue quun symptôme
parmi dautres. De ce fait, les réponses à des formes
même «initiales» de toxicomanie ne peuvent en aucun
cas être déterminées en tenant compte des seuls
aspects liés à la consommation.
Enfin, il apparaît nécessaire de poursuivre deux objectifs
a priori contradictoires :
- pour mieux prendre en compte la toxicomanie des personnes qui lui
sont déférées, linstitution judiciaire doit
faire appel à des compétences spécialisées
;
- néanmoins, lappréhension de la toxicomanie requérant
une approche globale, le réseau des structures éducatives,
sociales, sanitaires et professionnelles de «droit commun»
doit être mobilisé pour orienter les consommateurs de produits
psychoactifs, qui ne relèvent pas de la compétence exclusive
des centres de soins spécialisés en toxicomanie.
es évolutions doivent se traduire dans les réponses apportées
par linstitution judiciaire à la toxicomanie et plus généralement
aux infractions liées à lusage de substances psychoactives.
A N N E X E II
_____
Les réponses judiciaires aux
toxicomanies des majeurs
I. - GÉNÉRALITÉS
Laction de la Justice dans la lutte contre la toxicomanie doit
sinscrire dans le cadre dune conception densemble intégrant,
au-delà du seul rappel de linterdit légal, les nécessités
sanitaires et sociales. Elle participe à la lutte contre la récidive
en évitant lengrenage de la délinquance et lexclusion
des personnes toxicomanes. Elle doit mieux appréhender le phénomène
de la dépendance et donner des réponses diversifiées
et adaptées à la personnalité des toxicomanes, permettant
une prise en charge individualisée à tous les stades de
la procédure.
A cette fin, il est important que les magistrats puissent systématiquement
trouver un interlocuteur compétent dans le champ sanitaire et social
pour lorientation de tout usager interpellé, en sappuyant
notamment sur les permanences dorientation pénale et les
services chargés de lexécution des injonctions thérapeutiques.
Les procureurs de la République se rapprocheront des chefs de projets
chargés, auprès des préfets de départements,
de la lutte contre la drogue et la toxicomanie (cf. annexe IV, «les
comités restreints de lutte contre la drogue et la toxicomanie»),
pour mettre en place un dispositif adapté.
Cette approche concerne les personnes poursuivies ou condamnées
pour infractions à la législation sur les stupéfiants,
mais également celles qui le sont pour un délit lié
à labus dalcool ou même pour dautres faits
dont la commission a un lien avec un comportement toxicomaniaque.
Il est également nécessaire de tenir compte, dans lappréciation
des antécédents, de léventuel engagement de
la personne dans un processus de soins ou dinsertion plus général.
En effet, il est acquis que la démarche effectuée par un
toxicomane pour lutter contre son lien de dépendance est nécessairement
longue et souvent chaotique. Cette appréciation ne doit donc pas
se limiter à la seule constatation de la réitération
des faits. Une nouvelle consommation de produits illicites ne signifie
pas automatiquement que cette démarche est infructueuse ou vouée
à léchec.
II. - UN DOSSIER DE PERSONNALITÉ PLUS ÉTOFFE
1. Les enquêtes sociales rapides
Dans le cadre de la mission prévue à larticle 41
du code de procédure pénale, la personne chargée
de lenquête sociale doit informer le magistrat des mesures
propres à favoriser linsertion sociale et professionnelle
de lintéressé. La recherche des dispositifs qui contribueront
le mieux à la réinsertion du prévenu doit être
facilitée par les liens établis avec les partenaires sanitaires
et sociaux notamment dans le cadre du dispositif des conventions départementales
dobjectif.
1° Diligentées lors de comparutions immédiates ou douvertures
dinformations, les enquêtes sociales rapides devront être
plus riches en propositions dorientations. Pour être plus
fructueuse, cette investigation pourra, à lappréciation
du magistrat du parquet et compte tenu des nécessités de
lenquête pénale, commencer dès le début
de la garde à vue. Elle consistera notamment à recueillir
des informations auprès de la famille, des établissements
scolaires et dans le milieu professionnel ainsi quauprès
des services judiciaires ayant eu à connaître antérieurement
de la situation de lintéressé.
Lentretien proprement dit du travailleur social avec le mis en cause
peut utilement se dérouler au dépôt et en tous cas
dès larrivée au tribunal de la personne déférée.
2° Les renseignements de personnalité peuvent aussi être
très utilement recueillis en dehors de tout déferrement,
notamment dans le cadre des procédures de convocation par officier
de police judiciaire. Ils permettront alors à la juridiction de
disposer dun dossier plus fourni. A cette occasion, le travailleur
social peut être amené à assister la personne poursuivie
dans les démarches quelle entreprend en vue de son insertion.
2. Lenquête sur la personnalité
Lenquête sur la personnalité (art. 81 du CPP) permet
une investigation approfondie sur la personne du mis en examen mais également
sur ses possibilités de réinsertion. Les contacts établis
avec les partenaires sanitaires et sociaux pour la mise en oeuvre des
enquêtes sociales rapides pourront favoriser la recherche des dispositifs
les mieux adaptés.
3. Les expertises médico-psychologiques ou psychiatriques
Les expertises médico-psychologiques ou psychiatriques permettent
notamment de mieux appréhender la problématique dune
personne dépendante. A cet égard, il peut être demandé
aux experts dexaminer de façon approfondie le contexte familial
de lintéressé, en leur rappelant les dispositions
de larticle 164 du code de procédure pénale les autorisant
à recueillir les déclarations de personnes autres que la
personne mise en examen. Réalisées sur mandat judiciaire,
elles se distinguent entièrement dune approche thérapeutique.
Cest pourquoi, il convient dy recourir lorsque lon souhaite
connaître précisément la situation de lintéressé
au regard de sa toxicomanie et des démarches de soins quil
a pu entreprendre. En effet, il nappartient pas aux autorités
sanitaires et sociales intervenant dans dautres cadres (enquête
sociale, contrôle judiciaire) de fournir ce type de renseignement
à lautorité judiciaire.
4. Lenquête relevant de larticle D.
49-1 du code de procédure pénale
Un manque dinformation sur la situation individuelle des personnes
condamnées et une mobilisation difficile des partenaires sont souvent
des obstacles au prononcé des aménagements de peines ab
initio.
Pourtant, il sagit de mesures qui permettent déviter
les effets désocialisants dune courte incarcération
comme la perte demploi ou de stage ou la rupture dans une prise
en charge. Elles peuvent également être loccasion damorcer
une véritable démarche dinsertion au travers de mesures
telles que le placement à lextérieur, la semi-liberté
ou le travail dintérêt général.
Le recours aux enquêtes prévues à larticle D.
49-1 du code de procédure pénale doit permettre de mieux
appréhender la situation de dépendance des personnes condamnées,
les démarches quelles ont pu entreprendre et denvisager,
en lien avec le réseau partenarial, la poursuite ou lamorce
dune prise en charge qui apparaît toujours préférable
à celle proposée en détention.
5. Lindividualisation du suivi en milieu carcéral
Larticle D. 158 du code de procédure pénale prévoit
que le ministère public doit obligatoirement rédiger une
notice individuelle relative à la situation des condamnés
auxquels il reste à subir plus de trois mois demprisonnement.
Cette notice doit être accompagnée des documents mentionnés
à larticle D. 77, alinéa 2, du code de procédure
pénale, lorsque la peine privative de liberté prononcée
est supérieure à deux ans pour les majeurs et six mois pour
les mineurs. Il ny aurait que des avantages à ce que les
procureurs de la République étudient avec les chefs détablissement
la possibilité détendre ces dispositions à
lensemble des condamnés toxicomanes.
Ces renseignements sont précieux dans la mesure où ils permettent
une meilleure individualisation du suivi en milieu pénitentiaire.
Ils sont de nature à favoriser une orientation plus rapide vers
les services médicaux ou spécialisés et lélaboration
dun projet adapté avec le détenu.
III. - LES RÉPONSES JUDICIAIRES AU COURS DE LENQUÊTE
INITIALE
1. La compétence prioritaire du parquet du lieu
de domicile du toxicomane
Les mesures préconisées à légard des
personnes toxicomanes nécessitent pour la plupart un suivi soit
par lautorité judiciaire, soit éventuellement par
le secteur sanitaire ou social. Cest pourquoi, il est indispensable
que la mesure soit assurée par le parquet du lieu de domicile.
Le parquet du lieu darrestation doit se dessaisir au profit de ce
dernier. Un contact préalable est nécessaire pour envisager
un examen rapide de la procédure et, lorsque cest possible,
pour obtenir une date de convocation devant le magistrat du ministère
public, devant le travailleur social chargé de lenquête
sociale rapide ou devant toute autre personne désignée par
le parquet du lieu de domicile.
Lorsque lintéressé ne dispose pas dun domicile
fixe, il conviendra de rechercher sil existe un lien dattache
revendiqué (liens familiaux, lieu de soins fréquenté,
etc.). A défaut, le parquet du lieu darrestation reste saisi.
2. La pertinence et la cohérence des interpellations
dusagers
Les infractions dusage et de détention de produits stupéfiants
recouvrent des situations extrêmement diverses. Il ny a aucune
commune mesure, par exemple, entre le détenteur de quelques milligrammes
de haschich et celui qui est trouvé en possession de quantités
importantes dhéroïne. Ils commettent pourtant la même
infraction.
En application des directives générales du garde des sceaux,
il appartient aux procureurs de la République de donner toutes
instructions utiles aux services chargés de missions de police
judiciaire dans le cadre de procédures établies contre les
usagers de stupéfiants, en tenant compte des dispositions de la
politique pénale arrêtée localement par exemple dans
le cadre des plans départementaux et contrats locaux de sécurité.
Par ailleurs, les procureurs de la République veilleront à
ce que les critères encadrant la pratique des transactions douanières
à légard des détenteurs de faibles quantités
de stupéfiants soient intégrés dans les orientations
de politique pénale.
3. La continuité des soins aux toxicomanes en
garde à vue
1° Le principe de la continuité des soins au cours de la garde
à vue sapplique à tout traitement médical suivi
par lintéressé, y compris toute prescription de traitements
de substitution.
Cest pourquoi, dès lors quun état de dépendance
peut être présumé ou lorsque lintéressé
le déclare, un médecin doit être immédiatement
requis. Il lui appartiendra de contacter le centre prescripteur lorsque
la personne gardée à vue fait lobjet dun traitement
par la méthadone délivrée par le centre spécialisé.
Dans tous les cas, en raison de la spécificité des soins
requis par les personnes toxicomanes, il convient denvisager, dans
chaque ressort, la possibilité de faire appel à des médecins
sensibilisés aux problèmes de toxicomanie, et notamment
aux médecins adhérents aux réseaux toxicomanie Ville-Hôpital.
Les modalités de leur intervention devront être fixées
par le procureur de la République, après concertation avec
les médecins et les services de police, de gendarmerie et des douanes.
2° La question de la prise en charge des frais pharmaceutiques se
pose pour les personnes placées en garde à vue auxquelles
des médicaments ont été prescrits mais qui ne disposent
pas des ressources nécessaires pour les acquérir.
Cette question est actuellement étudiée dans le cadre interministériel.
4. Linjonction thérapeutique et les modalités
de la diversification des alternatives aux poursuites
4.1. Linjonction thérapeutique
La mesure dinjonction thérapeutique a été
relancée par circulaire conjointe santé-justice du 28 avril
1995, dont lapplication a fait lobjet dune évaluation
en janvier 1997. Ce bilan a permis de constater une nette amélioration
de larticulation entre autorités judiciaires dune part
et sanitaires et sociales dautre part. Il a par ailleurs relevé
une assez grande hétérogénéité des
pratiques sur le territoire national et la nécessité de
compléter le panel des réponses judiciaires possibles, ce
qui est lobjet des présentes orientations en matière
de classements aménagés.
Il est donc nécessaire de sappuyer aujourdhui sur les
relations nouées localement entre acteurs judiciaires, sanitaires
et sociaux, pour mettre en oeuvre la diversification des réponses
judiciaires et recentrer la mesure de linjonction thérapeutique
sur sa mission initiale.
La réponse judiciaire que constitue linjonction thérapeutique
permet de combiner plusieurs impératifs : un nécessaire
rappel à la loi, une indispensable orientation vers les structures
de prise en charge sanitaire et sociale et un encadrement suffisant qui
permette une prise en charge socio-éducative soutenue.
Cette mesure sadresse aux héroïnomanes et autres toxicomanes
faisant un usage massif ou répété de produits illicites,
le cas échéant, en associant plusieurs produits licites
ou illicites, lorsquil apparaît nécessaire de leur
imposer un cadre coercitif plus fort. En effet, linjonction thérapeutique
se situe dans un cadre judiciaire qui impose à lintéressé
de justifier des démarches quil a entreprises et à
lautorité sanitaire et sociale dinformer le magistrat
du parquet du déroulement de la mesure. Elle devrait en outre conduire
à un encadrement socio-éducatif plus structuré, en
raison des caractéristiques de la personne à laquelle elle
sadresse (forte dépendance au(x) produit(s), précarité
sociale...).
La mise en oeuvre de linjonction thérapeutique doit permettre
darticuler les obligations légales de la mesure avec la nécessité
de préserver la relation potentiellement soignante entre lintéressé
et le médecin.
Le retour dinformation au parquet sur le déroulement de la
mesure relève de la compétence de la direction départementale
de laction sanitaire et sociale qui devra indiquer si lintéressé
se présente bien aux rendez-vous et, le cas échéant,
suit les soins qui lui auront été prescrits.
Lobligation légale dinformer le parquet du déroulement
de la mesure :
Cette obligation résulte des dispositions des articles L. 355-16
et L. 355-17 du code de la santé publique, qui prévoient
que lautorité sanitaire contrôle le déroulement
du traitement et informe régulièrement le parquet de la
situation médicale et sociale de la personne. En cas dinterruption
du traitement ou de la surveillance médicale, lautorité
sanitaire est tenue, aux termes des mêmes articles, de prévenir
le parquet.
Si lintéressé ne se présente pas à un
rendez-vous ou fait lobjet dune nouvelle interpellation pour
des faits dusage de produits stupéfiants, le procureur de
la République peut ne pas révoquer la mesure dinjonction
thérapeutique en cours, sil apparaît que son déroulement
reste constructif, malgré la réitération de la consommation.
Ces éléments lui sont communiqués soit directement
par la DDASS dans le cadre de lexécution de la mesure dinjonction
thérapeutique en cours, soit dans le cadre dune enquête
sociale rapide ordonnée à loccasion de la nouvelle
procédure.
4.2. Les classements avec avertissement : modalités
de notification
Cet avertissement pourra être notifié à
lintéressé :
- immédiatement, par les services de police, de gendarmerie
ou des douanes, notamment lorsque la procédure du chef dusage
aboutit à une transaction ;
- éventuellement par courrier du procureur de la République
;
- de préférence sur convocation, par une personne ou une
association habilitée.
4.3. Les classements avec orientation
4.3.1. Situations visées par cette mesure
Cette mesure peut sadresser aux usagers de substances psychoactives
dont linterpellation laisse paraître des difficultés
dordre familial, médical, social, professionnel ou scolaire.
Ces problèmes peuvent être révélés à
loccasion dune enquête sociale rapide ordonnée,
le cas échéant, pour dautres faits que lusage
de produits stupéfiants, et notamment en ce qui concerne les personnes
interpellées pour des infractions liées à lusage
abusif dalcool (conduite sous lempire dun état
alcoolique, ivresse publique, violences volontaires, etc.).
Elle convient également aux usagers qui ne souffrent pas de difficultés
dinsertion mais pratiquent lusage de drogues sous un mode
souvent vécu comme récréatif, par exemple les personnes
consommant de lecstasy lors des soirées «rave».
En ce qui les concerne, un rappel à la loi est nécessaire
pour éviter notamment le développement de ces modes de consommation,
mais la seule sanction ne savère pas pertinente. Il est utile
de délivrer également un message de prévention sanitaire.
En effet, en létat des connaissances, les conséquences
psychologiques et physiologiques de lusage des drogues synthétiques
paraissent importantes et leur dangerosité semble sous-évaluée
par les consommateurs.
Dune façon générale, le classement avec orientation
peut permettre un premier contact entre la personne interpellée
et le dispositif sanitaire et social. Cette orientation peut faire apparaître
un besoin en soins dépassant la seule question de produits psychoactifs.
En effet, il a été constaté une précarisation
de plus en plus grande des personnes présentées à
la Justice, notamment sur le plan sanitaire. Si les dispositifs de droit
commun leur sont légalement ouverts, ces populations ne font souvent
pas la démarche de recourir aux établissements de soins
existants, par méconnaissance mais aussi du fait de lisolement
dans lequel elles senferment, voire aussi par ignorance de leur
état de santé réel.
La procédure de classement avec orientation peut enfin être
employée à légard de lensemble des personnes
toxicomanes, héroïnomanes, cocaïnomanes..., lors de leur
première interpellation, lorsquils ne paraissent pas relever
de linjonction thérapeutique.
4.3.2. Mise en oeuvre de cette mesure
La mise en oeuvre des mesures de classement avec orientation devra faire
lobjet dune concertation avec la DDASS.
Chaque personne faisant lobjet dun classement avec orientation
sera adressée à la DDASS du ressort ou à toute structure
désignée par elle, conformément aux instructions
qui seront adressées par le ministère de lemploi et
de la solidarité, en concertation avec le procureur de la République.
Il appartiendra à cette structure pivot de rechercher la réponse
la mieux adaptée à lintéressé (réponses
sociales, sanitaires, spécialisées ou non).
Un rapport dactivité périodique, et au minimum semestriel,
sera adressé au parquet, permettant détablir, de manière
non nominative, le nombre de personnes reçues et les orientations
réalisées. A loccasion de ce rapport, DDASS et parquet
devront sassurer que la détermination des profils dusager
faisant lobjet dun classement avec orientation est pertinente.
IV. - LADAPTATION DES RÉPONSES JUDICIAIRES
DANS LA PHASE PRESENTENCIELLE
Il sagit dassurer la continuité des prises
en charge dans le cadre des réponses judiciaires et de favoriser
le prononcé dune peine alternative à lincarcération
ou dun aménagement de peine ab initio.
Lintervention peut consister en une orientation avec un accompagnement
vers les dispositifs adéquats, à charge pour le prévenu
de justifier à laudience des démarches engagées.
Dans cette optique, des investigations nouvelles, avant laudience,
sont possibles ; certaines juridictions ont perçu lintérêt
dune utilisation active de cette période et ont mis en place
des mesures expérimentales de cette nature, comme le complément
denquête sociale rapide, dont les modalités sont exposées
ci-dessous.
Lorsque les prévenus ont un mode de vie plus déstructuré
et présentent une dépendance avérée et que
les circonstances de laffaire ne justifient pas le placement en
détention provisoire, les procureurs de la République requerront
de préférence le placement sous contrôle judiciaire
en vue notamment du prononcé dune obligation de soins par
le juge dinstruction dans le cadre dune information ou par
le juge délégué dans le cadre de larticle 394,
alinéa 3, du code de procédure pénale.
Le recours à ces mesures sappuie sur un réseau partenarial
développé et mobilisable rapidement. Ces possibilités
doivent être davantage exploitées, tout spécialement
grâce aux conventions départementales dobjectifs de
lutte contre la drogue et la toxicomanie.
1. Une mesure présentencielle expérimentale
: lincitation aux soins
Lobjectif de la mesure est de permettre à la personne poursuivie
dentamer une démarche de soins avant de se présenter
devant le tribunal correctionnel qui tiendra compte de cet élément
lors de son jugement. Cette mesure nécessite donc que la convocation
à laudience ne soit pas trop rapprochée (quatre mois
environ) et que lintéressé soit pris en charge par
une structure qui accepte de lui fournir les justificatifs concernant
ses démarches, que le prévenu produira devant le tribunal.
Cette orientation peut être réalisée par des partenaires
sanitaires ou sociaux. Elle peut être articulée avec une
fonction daccompagnement du prévenu vers les dispositifs
adéquats. Cette intervention permet de trouver la solution dinsertion
ou de soins répondant le mieux à la situation du prévenu
et contribue à ce titre à la prévention de la récidive.
Elle nentre toutefois pas dans le cadre dun mandat judiciaire
et lintervenant nest pas tenu de rendre compte des démarches
effectuées par lintéressé.
Ce pôle dorientation et daccompagnement a déjà
été développé par certaines juridictions,
notamment sous la forme dune «permanence toxicomanie»,
selon les modalités développées en annexe V.
Il sagit avant tout dune orientation ne constituant pas une
obligation pour le prévenu. Celle-ci est également possible
dans le cadre dun ajournement de peine simple. Les éléments
dinformation relatifs à cette démarche ne peuvent
parvenir à la juridiction de jugement que par le truchement du
prévenu lui-même.
2. Le complément denquête sociale
rapide
Le complément denquête sociale rapide se situe dans
le cadre de larticle 41 du code de procédure pénale.
Cette deuxième investigation, réalisée par le service
pénitentiaire dinsertion et de probation ou une association
habilitée, nest plus destinée à éclairer
le magistrat du parquet pour la décision initiale dorientation
de la procédure ou de réquisition de placement en détention,
mais à fournir au tribunal correctionnel des renseignements fiables
et actualisés sur la situation matérielle, familiale et
sociale du prévenu. Ce complément denquête est
remis au parquet qui le verse au dossier, en vue de laudience.
3. Le contrôle judiciaire
La mesure de contrôle judiciaire, et notamment les pratiques de
contrôle judiciaire socio-éducatif fondées sur la
sixième obligation visée à larticle 138 du
code de procédure pénale, permet, dans un cadre coercitif
fort, dentreprendre les démarches nécessaires à
linsertion de lintéressé. En effet, au-delà
du mandat de surveillance assigné au contrôleur judiciaire,
celui-ci peut également développer une mission daide
et dassistance dans les différents domaines qui posent problème
à la personne faisant lobjet de la mesure : soins, insertion
sociale, difficultés personnelles ou familiales, etc.
La qualité de lintervention du contrôleur judiciaire
à légard dune personne toxicomane est dautant
plus renforcée quelle sinscrit dans un cadre partenarial
riche.
Ce suivi peut savérer pertinent, au-delà des seules
informations judiciaires, dans le cadre des articles 394 et 397-3 du code
de procédure pénale.
V. - LADAPTATION DES RÉPONSES JUDICIAIRES
DANS LA PHASE SENTENCIELLE ET POSTSENTENCIELLE
1. Lajournement de peine avec mise à lépreuve
Par rapport aux mesures alternatives à lincarcération,
lajournement avec mise à lépreuve présente
lintérêt particulier de se situer dans une dynamique
de projet. Elle fixe un délai précis au prévenu,
laide à se situer dans le temps et lengage dans un
processus de responsabilisation. De même, cette mesure est un repère
constant pour le travailleur social qui rappelle léchéance
du jugement comme ultime recours face à linertie du prévenu.
Ce dispositif peut savérer particulièrement pertinent
pour un public de personnes dont linfraction est liée à
la consommation de produits psychoactifs, licites ou illicites (produits
stupéfiants, alcool surtout).
De plus, il permet la mise en oeuvre dun suivi socio-éducatif
général, dun accompagnement dans le cadre de démarches
de soins, mais aussi dactions à vocation préventive,
comprenant des séances dinformation sur les produits et leurs
effets et un travail personnel sur ces thèmes.
Lexpérience développée dans certains ressorts
est présentée en annexe V.
Toutefois, cette mesure, comme toute peine alternative, nest pleinement
opérationnelle que si elle est mise en oeuvre immédiatement.
Il est primordial que dès la sortie de laudience une convocation
soit fixée au prévenu et que les pièces nécessaires
à la notification de la mesure par le juge de lapplication
des peines soient rapidement rassemblées et remises à son
secrétariat. Cest pourquoi, le service pénitentiaire
dinsertion et de probation doit assurer autant que possible une
permanence daudience.
2. Le sursis avec mise à lépreuve
La peine demprisonnement assortie dun sursis avec mise à
lépreuve constitue la principale «sanction alternative»
prononcée par les juridictions. Elle est souvent privilégiée
au détriment dautres mesures car elle présente lavantage
dune grande souplesse. Sa mise en oeuvre à légard
des toxicomanes comprend un double aspect : sanitaire et social.
Lobligation de soins consiste à amener la personne, dans
un premier temps, à prendre contact avec un établissement
sanitaire et, dans un deuxième temps, à sengager dans
une démarche de soins. Depuis quelques années, le partenariat
avec les structures spécialisées sest amélioré.
Celles-ci estiment, pour la plupart, devoir recevoir des toxicomanes faisant
lobjet dune mesure judiciaire, afin de signaler leur existence
et dexpliquer leur fonctionnement. Elles souhaitent néanmoins
que ce partenariat se mette en place dans un cadre clair et précis.
Ce cadre doit respecter les champs de compétence de chaque institution
et être porté à la connaissance du condamné.
Si les juridictions doivent respecter le secret médical et se dispenser
de solliciter des informations sur le contenu de la prise en charge, à
linverse, les structures spécialisées doivent assurer
une information sur lexécution de la mesure, afin de permettre
aux juridictions dapprécier son bon déroulement.
Cette prise en charge médicale et paramédicale a été
mise en oeuvre selon des modalités variées, dont trois exemples
figurent en annexe V.
La mesure de sursis avec mise à lépreuve permet également
de prendre en compte lensemble des difficultés dinsertion
rencontrées par le condamné. Son exécution repose
donc en grande partie sur la mise en oeuvre dun suivi socio-éducatif
des condamnés réalisé par le service dinsertion
et de probation et sur une orientation de ceux-ci vers les dispositifs
de droit com-
mun : aide sociale, mission locale pour les jeunes, formation professionnelle.
3. Le travail dintérêt général
Le champ dapplication de cette sanction est large, puisquelle
peut être prononcée, soit à titre de peine principale
(art. 131-8 du code pénal), soit comme obligation particulière
dans le cadre dune peine demprisonnement avec sursis (art.
132-54 du code pénal) ou de la conversion dune courte peine
demprisonnement (art. 132-57 du code pénal), soit à
titre de peine complémentaire de certains délits (art. 1er
du code de la route) ou de certaines contraventions (art. 131-17 du code
pénal).
Pourtant, les personnes toxicomanes bénéficient rarement
de cette mesure. En effet, elles ne sintègrent souvent que
difficilement aux postes de travail habituellement prévus à
cet effet par les collectivités et établissements publics
et les associations habilitées.
Ces difficultés ont conduit plusieurs magistrats et services dinsertion
et de probation à définir des modalités spécifiques
de mise en oeuvre du travail dintérêt général
pour les personnes toxicomanes. Elles reposent sur lidée
dune progressivité dans lexécution du travail,
intégrant des mesures éducatives particulières, et
sappuient sur un partenariat soutenu. Quelques exemples sont présentés
en annexe V.
Cest ainsi que lexécution proprement dite dune
activité non rémunérée au sein dune
équipe de travail peut être précédée
dune période de préparation. Plusieurs types de préparation
sont envisageables selon les difficultés rencontrées par
lintéressé : bilan sanitaire, soutien psychologique,
remise à niveau scolaire, bilan professionnel, etc.
Le succès de la mesure est fortement conditionné par son
acceptation par lintéressé. Cest la raison pour
laquelle ces périodes préparatoires ne peuvent être
ajoutées à la durée du TIG prononcée par la
juridiction. En létat de la législation, limputation
de la préparation sur le temps du TIG lui-même doit faire
lobjet dune concertation préalable au sein de la juridiction
(parquet, application des peines et tribunal correctionnel et de police).
De même, la seule inexécution des obligations prévues
pendant cette période préparatoire ne devrait pas entraîner
la révocation de la mesure.
Un accompagnement éducatif ou sanitaire au cours de la mesure est
indispensable. Si la fonction de contrôle relève de la seule
compétence du service pénitentiaire dinsertion et
de probation, la mission daccompagnement peut être diversifiée
et sexercer en collaboration avec dautres partenaires. Comme
à loccasion de toute mesure judiciaire, le TIG peut être
loccasion, pour la personne condamnée, daccéder
pour la première fois aux dispositifs sanitaires et sociaux de
droit commun. Eu égard aux difficultés dintégration
de cette population, cet accès doit être facilité
soit directement par les travailleurs sociaux du SPIP, soit par les partenaires
que ceux-ci auront sollicités, notamment les structures spécialisées
dans la prise en charge des personnes toxicomanes. Si lintéressé
bénéficiait déjà dun suivi avant sa
condamnation, les services chargés de la mise en oeuvre du TIG
veilleront à sa continuation.
Enfin, il est nécessaire de prévoir une période préparant
l«après-TIG», afin de prévenir autant
que possible les risques de récidive. Le travail dintérêt
général ne peut plus être conçu comme une simple
période dactivité obligatoire, sans préoccupation
quant à linsertion durable de lintéressé,
quil sagisse de lhébergement, de la situation
administrative, des ressources ou des perspectives professionnelles ou
de formation.
Cette préoccupation doit se traduire au sein de lensemble
des actions menées par les SPIP au cours de lexécution
du TIG.
4. La libération conditionnelle
Le nombre de libérations conditionnelles na cessé
de décroître ces dernières années. Pourtant,
cette mesure permet de mieux préparer la sortie des détenus
incarcérés. La mise en oeuvre dune période
de contrôle après la libération est adaptée
au profil des toxicomanes pour lesquels une sortie brutale de prison est
souvent facteur de récidive.
Le bénéfice de cette mesure peut être subordonné
à une obligation de soins.
Elle nécessite une préparation précoce et rigoureuse
de la part des services dinsertion et de probation afin dassurer
la crédibilité des projets présentés à
la commission dapplication des peines.
Ces services doivent sattacher à construire le projet à
lintérieur de létablissement avec le détenu,
sa famille, les services sanitaires de létablissement, les
partenaires extérieurs et le service chargé du suivi de
la mesure, dans un souci de cohérence et de continuité de
la prise en charge.
Lélaboration dun projet de libération conditionnelle
constitue la phase concrète dun processus qui doit déterminer
le rôle de chacun à lextérieur : le condamné,
le ou les services pénitentiaires, le juge de lapplication
des peines, le service sanitaire, les partenaires spécialisés
ou associatifs.
Un exemple de partenariat est développé en annexe V.
5. Le placement à lextérieur
La mesure de placement à lextérieur visée
à larticle D. 126 du code de procédure pénale
peut être exécutée de diverses manières, soit
sous surveillance pénitentiaire directe, soit sans surveillance.
Dans ce cas, la prise en charge est déléguée en partie
à un tiers : employeur, famille, partenaire sanitaire, partenaire
assurant formation et/ou hébergement.
Cette mesure peut être accordée en vue dune prise en
charge sanitaire. Son octroi ou son maintien peuvent être subordonnés
dorénavant au respect des conditions fixées à larticle
D. 536 du code de procédure pénale.
Les projets de placements à lextérieur, spécifiquement
destinés aux détenus toxicomanes, sont peu nombreux. Lobstacle
majeur réside dans leur prise en charge sanitaire, qui exige la
création dun partenariat réel et efficace. Il sagit
pourtant dune mesure qui facilite dans un cadre relativement contraignant
lélaboration dun projet social ou socioprofessionnel
(contrat emploi solidarité, stage de formation professionnelle...)
et dans le même temps la mise en place dun suivi sanitaire.
Le secteur sanitaire peut ici jouer un rôle très actif du
fait de son intégration dans lemploi du temps de la personne,
dune prise en charge spécialisée.
Mais, là encore, le placement à lextérieur,
en tant que mesure daménagement de peine, nécessite
une clarification des rôles et missions de linstitution judiciaire
et de ses partenaires.
Un projet de placement à lextérieur figure en annexe
V.
6. La semi-liberté
Tout en présentant un cadre assez rigoureux, la semi-liberté
forme une mesure daménagement de peine originale, structurante,
pouvant prendre en compte un public relativement marginalisé et
permettant daccueillir notamment des détenus toxicomanes.
Si les projets existent, ils sont encore peu nombreux.
Cependant, certains sites ont développé des projets permettant
daccompagner des détenus dans une démarche dinsertion,
privilégiant la formation et lemploi pour certains ou la
prise en charge thérapeutique pour dautres.
Plus contraignante que dautres mesures daménagement
de peines, la semi-liberté peut constituer une étape nécessaire
pour des publics ayant besoin dun cadre plus précis.
Comme pour lensemble des mesures daménagement de peines,
la semi-liberté nécessite la mise en place dun partenariat
structuré et spécifique. La prise en charge sanitaire est
tout à fait envisageable dans les centres de semi-liberté,
soit que les intervenants développent leurs activités à
lintérieur du centre, soit quils offrent, en ambulatoire,
un mode de prise en charge plus souple dans le cadre dune obligation
de soins décidée par le juge de lapplication des peines.
La mise en oeuvre de cette forme de projets requiert une concertation
indispensable avec les responsables sanitaires départementaux.
En annexe V est présentée une expérience relative
à cette mesure.
7. Le milieu fermé
Dans le cadre de la prise en charge globale des personnes présentant
une dépendance à un produit licite ou illicite, les équipes
de psychiatrie ont pour mission de favoriser et coordonner, en collaboration
avec les équipes de soins somatiques, les interventions, au sein
des établissements pénitentiaires, des équipes des
structures spécialisées de soins.
Dans seize grandes maisons darrêt, il existe des centres de
soins spécialisés pour toxicomanes (anciennes «antennes
toxicomanie»). Elles ont pour mission le repérage, la prise
en charge des détenus toxicomanes, le recueil épidémiologique,
la coordination des équipes spécialisées intervenant
en détention et linstauration de liaisons avec les structures
extérieures en vue dassurer la continuité du suivi.
Dans les autres établissements, un partenariat doit être
recherché avec les centres spécialisés extérieurs,
notamment dans le cadre de la préparation à la sortie.
Si lintervention des services sanitaires et spécialisés
dans la prise en charge des dépendances est essentielle, limplication
des services pénitentiaires et des acteurs judiciaires est néanmoins
indispensable pour répondre à lensemble des problématiques
rencontrées par la personne incarcérée.
A cet égard, le rôle du service pénitentiaire dinsertion
et de probation est important. Il participe au suivi individualisé
des détenus toxicomanes et veille à ce que les projets dexécution
de peine ou de sortie intègrent, outre laspect thérapeutique,
les données sociales, familiales, professionnelles et pénales
de la situation des détenus. Dans les limites des champs de compétence
respectifs, il joue un rôle dinterface entre les autres services
pénitentiaires, les acteurs sanitaires et les différents
organismes extérieurs, afin de construire un partenariat et de
présenter des projets cohérents devant la commission dapplication
des peines.
Au sein de létablissement, larticulation entre les
différents services doit également être favorisée
par lorganisation de réunions de travail régulières
et la communication systématique aux services médicaux de
la liste des entrants et des détenus libérables ou susceptibles
dêtre transférés.
A N N E X E III
_____
Les réponses judiciaires aux
toxicomanies des mineurs
I. - LA CONSOMMATION DE DROGUE PAR DES MINEURS, UN PHÉNOMÈNE
QUI PREND DES FORMES EXTRÊMEMENT DIVERSES
Une récente enquête épidémiologique
réalisée par lINSERM auprès des jeunes de 13
à 21 ans pris en charge par les services du secteur public de la
protection judiciaire de la jeunesse apporte sur ce point des indications
importantes : caractérisée par une polytoxicomanie à
base de substances psychoactives licites et illicites, la consommation
de drogues chez les jeunes faisant lobjet dune mesure judiciaire
sinscrit de surcroît dans un ensemble de carences et de difficultés
telles que des tendances dépressives, des violences subies ou léchec
scolaire. Celles-ci constituent des facteurs de vulnérabilité
qui peuvent conduire ces jeunes à adopter des comportements à
risques en matière de consommation de substances psychoactives.
Certains comportements dusage renvoient à un mode «récréatif»,
occasionnel, dautres sont révélateurs de difficultés
personnelles ou familiales, dautres enfin sont directement liés
à la diffusion des produits. Ces différents éléments
sont à prendre en compte dans lorientation des procédures.
II. - QUELQUES PRÉCISIONS EN MATIERE DE RÉPONSES
PÉNALES
En ce qui concerne les enquêtes et éléments de personnalité,
les services éducatifs auprès des tribunaux peuvent être
saisis pour réaliser un recueil de renseignements socio-éducatifs,
comme le prévoit larticle 12 de lordonnance du 2 février
1945, lesquels pourront être complétés autant que
de besoin dans la suite de la procédure par :
- une investigation approfondie (enquête sociale, investigation
et orientation éducative, prévues par lart. 8 de
ladite ordonnance) confiée par le juge des enfants à un
centre daction éducative ou à un service du secteur
associatif habilité (service denquête sociale, services
dinvestigation et orientation éducative). La mesure dinvestigation
et dorientation éducative pouvant comporter des examens
médicaux, médico-psychologique et psychiatrique, ainsi
quun bilan social, semble plus appropriée en raison de
sa dimension pluridisciplinaire ;
- des expertises réalisées par des professionnels spécialisés
en matière de toxicomanie, afin de mieux évaluer la dépendance
éventuelle des intéressés. Par ailleurs, il peut
être fait utilement usage de larticle 162 du code de procédure
pénale qui permet au magistrat mandant dautoriser lexpert
à sadjoindre des personnes nommément désignées
à raison de leur spécialité.
A cet égard, le juge des enfants peut prévoir que le service
chargé de mettre en oeuvre les mesures dinvestigation et
dorientation éducative sadjoindra un médecin
aux fins dexamen médical. Cette possibilité doit être
envisagée particulièrement dans les situations dabus
de substances psychoactives.
Dune manière générale, lusage de drogue
peut nécessiter une prise en charge sanitaire en complément
dune mesure éducative. Dans cette perspective, des protocoles
de collaboration entre la Justice (direction de la protection judiciaire
de la jeunesse) et le secteur sanitaire sont à développer.
La circulaire du 4 février 1994, relative au régime de détention
des mineurs, érige le service éducatif auprès du
tribunal en correspondant principal de ladministration pénitentiaire,
lui conférant par ailleurs un rôle de coordination entre
les différents services intervenant auprès dun mineur
détenu.
A N N E X E IV
_____
Larticulation des dispositifs
locaux de lutte contre la toxicomanie
I. - LORGANE DE CONCERTATION INTERNE A LA JUSTICE : LES CELLULES
JUSTICE-VILLE
Les cellules Justice-Ville constituent le socle à
partir duquel linstitution judiciaire peut sintégrer
à lensemble des dispositifs partenariaux. Quel que soit le
mode dorganisation retenu, et le nom qui lui est donné, cette
structure doit pouvoir se réunir préalablement à
toute intervention de la Justice dans un dispositif partenarial, selon
une composition qui peut varier en fonction des thèmes abordés
(toxicomanie, justice des mineurs, aide aux victimes dinfractions,
etc.).
1° Dispositif.
Instituées en 1993, dans les ressorts des TGI des départements
déclarés alors prioritaires pour la politique de la ville,
les cellules Justice-Ville devaient constituer le pendant des sous-préfets
à la ville.
a) Au niveau départemental.
Un magistrat de la juridiction du département est chargé
danimer cette cellule en qualité de «correspondant
Justice». La cellule comprend, au minimum :
- le «correspondant Justice» ;
- le directeur départemental de la protection judiciaire de la
jeunesse ;
- le correspondant de ladministration pénitentiaire.
b) Au niveau de la cour dappel.
La fonction de correspondant pour la politique de la ville est assurée
par un magistrat désigné par le premier président
et le procureur général.
La cellule Justice-Ville est chargée de coordonner et défendre
lensemble des actions intéressant la Justice et daméliorer
lefficacité et la cohérence de laction de la
Justice dans le domaine des politiques concertées.
2° Géographie et avenir du dispositif.
Actuellement en vigueur dans 32 départements retenus comme prioritaires
pour la politique de la ville, ce dispositif sera prochainement étendu
à 6 autres départements incluant des sites de préfiguration
des futurs contrats de ville.
En effet, la nécessité dune concertation interne à
linstitution judiciaire est ressentie par lensemble des ressorts,
de même que la nécessité de constituer un interlocuteur
unique pour nos partenaires extérieurs.
3° Thèmes :
- la lutte contre la délinquance ;
- le développement de la justice de proximité ;
- lamélioration de la prise en charge des mineurs ;
- les alternatives à lincarcération ;
- la préparation à la sortie des détenus ;
- lamélioration de la prise en charge des toxicomanes relevant
de la Justice.
4° Utilité du dispositif dans le domaine de la toxicomanie
:
- élaboration des conventions départementales dobjectifs
;
- représentation concertée et unitaire de la Justice dans
les instances (CCPD, CDPD, comité restreint de lutte contre la
drogue et la toxicomanie) ;
- élaboration des plans départementaux de sécurité
et des contrats locaux de sécurité.
II. - LES INSTANCES INTERINSTITUTIONNELLES
1. Le comité restreint de lutte contre la drogue
et la toxicomanie, organe spécialisé de coordination au
niveau du département
Cette structure a été créée par la circulaire
du 11 juillet 1996 dans la perspective de réorganiser la lutte
contre la drogue et la toxicomanie, au niveau départemental. Les
comités restreints remplacent les comités départementaux
de lutte contre la toxicomanie (CDLT).
1.1. Dispositif
Ce comité est composé de tous les services de lEtat
concernés par la lutte contre la drogue et doit se réunir
à un rythme trimestriel.
Il est présidé par le préfet, assisté du chef
de projet. Les chefs de projet ont été désignés
par les préfets et sont majoritairement des directeurs des affaires
sanitaires et sociales ou des sous-préfets. Les chefs de projet
constituent linterlocuteur naturel du magistrat chargé des
conventions départementales dobjectifs.
1.2. Thèmes
Les thèmes daction sont définis par
la circulaire du 11 juillet 1996 :
- veiller à lapplication coordonnée de la politique
du Gouvernement dans le domaine de la prévention, des soins et
de linsertion ;
- évaluer létat global de la lutte contre la drogue
et la toxicomanie au niveau du département ;
- organiser les relations entre les services de lÉtat, les
collectivités locales et le secteur associatif.
1.3. Financement
Selon les départements, les sommes allouées séchelonnent
de 50 000 à 350 000 F.
1.4. Place de linstitution judiciaire
Selon les termes de la circulaire du 9 juillet 1996, les procureurs de
la République des tribunaux de grande instance et les magistrats
du siège sont invités à participer aux réunions
du comité.
En revanche, les responsables de ladministration pénitentiaire
et de la protection judiciaire de la jeunesse sont membres du comité.
Néanmoins, il convient de rappeler que les services de ladministration
pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse relèvent
de lautorité du garde des sceaux (art. 9 du décret
de 1982) et non du préfet.
La présence des représentants de linstitution judiciaire
au comité restreint de lutte contre la drogue et la toxicomanie
est souhaitable afin, dune part, de sassurer de la cohérence
des actions de prévention avec la politique menée par les
représentants de linstitution judiciaire et, dautre
part, de limiter au domaine de la prévention, des soins et de linsertion
les délibérations du comité restreint de lutte contre
la drogue et la toxicomanie (la coordination de laction administrative
et judiciaire dans le domaine de la répression relevant des plans
départementaux de sécurité et lexercice de
laction publique étant de la seule compétence du procureur
de la République).
2. Les autres instances interinstitutionnelles, dont les compétences
incluent la lutte contre la drogue et la toxicomanie, doivent associer
pleinement lautorité judiciaire
2.1. Le conseil départemental de prévention de la délinquance
(CDPD) devient lorgane de concertation de la lutte contre la drogue
et la toxicomanie au niveau départemental
2.1.1. Dispositif
Les conseils départementaux de prévention de la délinquance
ont été réorganisés par décret du 1er
avril 1992. Un CDPD est créé dans chaque département.
Il est présidé par le préfet. Le procureur de la
République et le président du conseil général
en sont vice-présidents.
2.1.2. Thèmes
La mission des CDPD est définie au décret de 1992. Elle
recouvre tous les aspects de la prévention de la délinquance,
de sa perception par la population et de laide aux victimes. Le
CDPD est chargé dun rôle détude, dévaluation
et de proposition dactions en ces matières.
En pratique, il appartient aux membres du CDPD de définir leur
priorités au sein de la prévention de la délinquance
; or, la prévention des toxicomanies, quil sagisse
de produits stupéfiants, dalcool ou de médicaments,
constitue lun des axes majeurs de la prévention de la délinquance.
En effet, les circulaires du Premier ministre des 29 mars 1994 et 13 février
1997 en matière de prévention de la délinquance mentionnent
la prévention des toxicomanies au titre des axes prioritaires.
Limportance des conduites addictives chez les mineurs nécessite
que des actions de prévention de la délinquance soient élaborées
en sinspirant des différents rapports récemment publiés
(rapports des professeurs Parquet et Roque) et en relation avec les conseils
généraux.
Le cadre du CDPD doit permettre dexposer les besoins de la Justice
en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, par exemple
:
- postes de travail dintérêt général
(spécifiquement adaptés à des toxicomanes) ;
- prise en charge sanitaire des toxicomanes relevant de la Justice,
et notamment des personnes placées sous contrôle judiciaire
et soumises à une obligation de soins ;
- capacités dhébergement des toxicomanes, notamment
en urgence.
2.1.3. Place de linstitution judiciaire
Les représentants de linstitution judiciaire
occupent une place privilégiée au CDPD, fixée par
décret. Lobjet même de cette structure, la prévention
de la délinquance, intéresse bien évidemment au premier
chef la Justice.
Une des difficultés consiste à assurer une représentation
pluraliste de linstitution judiciaire, comprenant les magistrats
du siège et du parquet et les services de ladministration
pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Cet
objectif nécessite une concertation préalable qui doit pouvoir
être menée au sein des cellules Justice-Ville.
2.2. Les conseils communaux de prévention de la
délinquance (CCPD)
2.2.1. Dispositif
Tout conseil municipal peut créer un CCPD qui constitue un organe
de concertation entre lEtat et la commune ; il est présidé
par le maire et comprend, en nombre égal, dune part des représentants
de lÉtat - le procureur de la République ou son délégué
et les fonctionnaires désignés par le préfet -, dautre
part des représentants de la commune désignés par
le conseil municipal.
2.2.2. Thèmes
La mission des CCPD diffère quelque peu, dans la rédaction
du décret du 1er avril 1992, de celle des CDPD.
En pratique, le CCPD permet souvent la mise en oeuvre dactions concrètes
: il détermine les mesures pour lesquelles lEtat et la commune
décident de contribuer conjointement, notamment dans le domaine
de la mise en oeuvre des travaux dintérêt général.
En outre, il assure des relations continues entre les différents
partenaires qui permettent délaborer des projets à
long terme, mais aussi dapporter une réponse concertée
à des situations de crises aiguës.
III. - LES CONVENTIONS DÉPARTEMENTALES DOBJECTIFS
DE LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE CONSTITUENT LOUTIL PRINCIPAL DUNE
POLITIQUE LOCALE CIBLÉE
Ce dispositif a fait lobjet dune note de la Mission interministérielle
de lutte contre la drogue et la toxicomanie, datée du 12 février
1999, elle-même suivie dune note daccompagnement de
la chancellerie, datée du 22 avril 1999. Pour plus dinformations,
il convient de se reporter à ces deux documents.
A N N E X E V
_____
Quelques expériences locales
I. - LA PERMANENCE TOXICOMANIE AU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE
Avant la mise en place de la permanence toxicomanie, les agents de probation
rencontraient des difficultés pour faire prendre en charge les
toxicomanes sous main de justice, en raison dune certaine hostilité
des structures spécialisées à légard
de linstitution judiciaire. De même, il était très
difficile den obtenir des informations en retour.
La permanence toxicomanie :
- apporte une assistance technique spécialisée, indispensable
en la matière, auprès des magistrats et des travailleurs
sociaux ;
- constitue un lieu daccueil et découte des personnes
toxicomanes, afin denvisager les mesures dinsertion susceptibles
déviter la récidive ou lincarcération,
de susciter une démarche de soins, dorganiser les réponses
en terme dhébergement durgence ;
- joue un rôle utile dinterface entre linstitution
judiciaire et les dispositifs extérieurs.
Elle est assurée dans les locaux du CPAL à mi-temps, du
lundi au vendredi, par deux personnes exerçant au sein de deux
associations spécialisées de soins (SOS drogue international
et AMPT). Ce partage du temps de travail a permis de sensibiliser chaque
structure où la Justice nest plus seulement conçue
comme une instance répressive.
En 1997, la permanence toxicomanie a été saisie comme suit
:
1° Dans 23 % des cas, en phase présentencielle, par le
service denquête sociale rapide ;
2° Dans 77 % des cas, en phase postsentencielle :
- par le CPAL (40 %) ;
- par lantenne toxicomanie du centre pénitentiaire de Marseille
(20 %) ;
- par la cellule RMI du centre pénitentiaire de Marseille (12
%) ;
- par la maison darrêt de Luynes (3 %) ;
- par lunité pour sortants (2 %).
Les liens professionnels établis avec les structures intervenant
en milieu fermé engagent la permanence toxicomanie dans une participation
au travail de préparation à la sortie des détenus,
autour dune offre en terme dhébergement en urgence,
support pour étayer une démarche dinsertion. Lintervention
de la permanence a justement permis de mieux évaluer les besoins
réels dhébergement en urgence. Les difficultés
antérieures de prise en charge des toxicomanes avaient provoqué
un effet grossissant. En fait, en 1997, sur 103 demandes dhébergement,
80 ont été satisfaites.
II. - LAJOURNEMENT AVEC MISE A LÉPREUVE
: LEXPÉRIENCE DE LA JURIDICTION DE BESANÇON
A linitiative du comité de probation, la juridiction de
Besançon contribue actuellement à développer une
étude intitulée «EVACAPA» (Evaluation dune
action auprès de conducteurs ayant un problème dalcool)
à partir dune mesure dajournement avec mise à
lépreuve.
Cette expérimentation a été élaborée
conjointement par la juridiction (le parquet, le juge de lapplication
des peines, les juges correctionnels), le CPAL, le Centre dhygiène
alimentaire et dalcoologie, la préfecture et la sécurité
routière. Son objectif est de mesurer limpact sur la récidive
de différentes interventions auprès de primo-délinquants
en matière de conduite en état alcoolique.
Elle concernera 375 personnes réparties par tirage au sort en 3
groupes parallèles: un groupe témoin et deux groupes traités
en stratégie individuelle ou collective. Dix-huit mois seront nécessaires
pour inclure la totalité des délinquants. La durée
de la prise en charge de chacun est de douze mois. Létude
évaluative se déroule sur deux ans et demi et sera prolongée
par une observation régulière des casiers judiciaires.
Celle-ci inclut des séances dinformation sur des thèmes
en rapport avec lalcool, la Justice, la remise de documents de prévention
routière et des entretiens à intervalle régulier
avec un médecin. Parallèlement, le CPAL assure le suivi
de la mesure.
On peut imaginer la réalisation dun projet semblable en direction
dun public toxicomane. Ce dispositif est destiné à
assurer une prévention à caractère médical,
à permettre à lintéressé de prendre
conscience de ses difficultés et à le responsabiliser dans
la prise en charge de celles-ci dans un objectif de prévention
de la récidive.
III. - LE SURSIS AVEC MISE A LEPREUVE : LEXPÉRIENCE
DU CPAL DE METZ
Le CPAL de Metz développe depuis plusieurs années des actions
collectives encadrées par des personnels de ladministration
pénitentiaire : travailleurs sociaux et personnel de surveillance.
Ce mode de prise en charge est complémentaire à un suivi
individuel, mais permet une connaissance et une approche des publics plus
globale et de ce fait plus précise. Cette connaissance approfondie
peut déterminer une orientation différente dans la prise
en charge et dans le mode dexécution des mesures alternatives.
Ces actions collectives recouvrent soit des actions de formation, soit
des activités à dominante sportive. Le principe est dessayer
de mixer les publics incarcérés et ceux pris en charge en
milieu ouvert. Il sagit aussi de privilégier les personnes
les plus en difficulté. Dans ce cadre, des publics toxicomanes
ont bénéficié de cette approche socio-éducative
innovante :
- module de formation «Réussir ma vie», dune
durée de cinq jours, qui a concerné 10 personnes ;
- randonnée pédestre de sept jours dans les Alpes-de-Haute-Provence,
qui a concerné huit personnes et quatre accompagnateurs (travailleurs
sociaux, moniteur de sport de la maison darrêt, appelé-ville)
;
- randonnée pédestre dans les Vosges pendant cinq jours,
pour huit personnes et quatre accompagnateurs.
Au-delà de laspect remobilisation, ces stages ont surtout
permis aux participants déchanger sur leur vie et plus particulièrement
sur leur situation vis-à-vis de la Justice.
Cet échange leur a demandé de se confronter aux regards
des autres, ce qui a provoqué pour certains un abandon du projet.
Mais, dans lensemble, les stagiaires, à lissue de ces
sessions collectives, ont évalué la gravité de leur
délit et parallèlement ont mieux apprécié
leurs problèmes personnels.
Ce stage a suscité un travail collectif au sein de léquipe
du CPAL de Metz et a contribué à développer une autre
forme de prise en charge des probationnaires.
IV. - LE SURSIS AVEC MISE A LÉPREUVE : LEXPÉRIENCE
DES CPAL DE NANCY ET DAMIENS
1° Le CPAL de Nancy et le CHS ont créé une antenne
«Psychiatrie-Justice». Lantenne est composée
dun médecin psychiatre, dune psychologue et dun
infirmier de secteur. Elle fonctionne dans le cadre de la «psychiatrie
de liaison», développée par le CHS de Nancy-Laxou.
Elle coordonne les activités de la psychiatrie et de la justice,
construit avec le justiciable un projet de soins et accompagne vers les
structures de soins.
A la demande de lagent de probation, linfirmier rencontre
la personne suivie et propose une orientation vers le secteur le plus
adapté. Dès quil existe une obligation de soins, linfirmier
intervient systématiquement dans le dossier et la personne est
présentée à un médecin vacataire. Au vu des
premiers entretiens, linfirmier organise la liaison avec le secteur
de psychiatrie générale, de toxicomanie ou dalcoologie.
2° Le CPAL dAmiens a développé une démarche
proche, mais avec un centre de soins pour toxicomanes. Lassociation
et le CPAL ont défini un cadre : trois entretiens obligatoires
réalisés par lassociation. Lobjectif de ce dispositif
permet aux partenaires (Justice/centre de soins) de communiquer à
propos des condamnés/patients sans se figer sur lobligation
de soins. Tout dabord, il sagit bien dune prise en charge
globale et partenariale. La rechute ne signifie pas systématiquement
léchec de la mesure. Dans un second temps, le financement
dun petit réseau de familles daccueil accessible à
des sujets toxicomanes suivis à la fois par le CPAL et le CSST
a concrétisé le partenariat direct. Les deux services ont
en effet mené conjointement lensemble du projet ; de la recherche
et de la sélection des familles au suivi des sujets y résidant.
V. - TRAVAIL DINTÉRÊT GÉNÉRAL
: LEXPÉRIENCE MENÉE AU CPAL DE PARIS
1° Objectifs :
- préparer la mise au travail ;
- préparer laprès-travail dintérêt
général du condamné, prévention de la récidive.
2° Travail entrepris avec lassociation «La corde raide».
Des bilans évaluations individuels sont menés par lassociation,
et en général par un psychologue, pour ceux qui sont physiquement
reconnus aptes au travail, à lissue de la visite médicale
obligatoire préalable à la mise en oeuvre du TIG.
Ces bilans ont pour objectif dévaluer, avec la personne concernée,
ses capacités à faire un travail dintérêt
général sur le plan psychologique et denvisager les
conditions qui sont susceptibles daméliorer son exécution.
Ce bilan se fait sous forme de trois entretiens déductibles des
heures de travail dintérêt général. Ce
bilan est totalement dissocié de lobligation de soins, même
sil peut constituer un contact utile pour lavenir avec un
organisme de soins.
VI. - TRAVAIL DINTÉRÊT GÉNÉRAL
: LEXPÉRIENCE MENÉE AUX CPAL DE BRIEY ET THIONVILLE
Les juges de lapplication des peines de Briey et Thionville ont
agréé lassociation «Baron» comme organisme
daccueil de condamnés au travail dintérêt
général.
Cette association a pour objectif principal la prise en charge globale
des personnes incarcérées ou sortants de prison. Elle développe
par ailleurs des placements à lextérieur auprès
détablissements pénitentiaires de la région
pénitentiaire de Strasbourg. Elle sest orientée récemment
vers un public sous main de justice présentant des conduites polytoxicomanes.
Dans le cadre du travail dintérêt général,
lassociation affecte les condamnés sur les activités
de lassociation : banque alimentaire, vestiaire enfants... Mais
elle essaye de les affecter à des travaux plus valorisants, comme,
récemment, laménagement dun espace santé
pour les jeunes gérés par la mission locale de Longwy, la
participation aux préparatifs dun voyage humanitaire en Roumanie.
La particularité de cette association est de permettre aux condamnés
à un TIG, sur la base du volontariat, de bénéficier
dun soutien psychologique et éducatif.
VII. - LIBERATION CONDITIONNELLE : LEXPERIENCE
MENÉE AU CPAL DE BRIEY
Le CPAL de Briey a développé un partenariat
avec lassociation «Baron», dans le cadre de mesures
de libération conditionnelle.
Lassociation travaille en amont la préparation à la
sortie des détenus dans le cadre dune aide à la recherche
demploi, à lhébergement, à laccès
aux soins et aux démarches administratives. Lassociation
assure un partenariat très étroit avec les juges de lapplication
des peines et les conseillers dinsertion et de probation du CPAL
de Briey.
Les personnes sont accompagnées chez le juge de lapplication
des peines à différentes étapes du parcours de la
mesure :
- lecture des obligations ;
- recadrement de la mesure si nécessaire ;
- demande dautorisations de passages de frontières.
Tous les dossiers de libération conditionnelle sont
contractualisés en amont avec le détenu en trois exemplaires
(un exemplaire pour le détenu, un pour le JAP, un pour lassociation).
Lassociation sert dappui et de relais au CPAL de Briey.
Cette formule de suivi nécessite une adhésion préalable
du détenu, et un suivi durant sa détention. Il est indispensable
quun étroit partenariat sinstalle avec les services
socio-éducatifs de létablissement pénitentiaire
et avec le CPAL.
VIII. - PLACEMENT A LEXTÉRIEUR : LEXPÉRIENCE
MENÉE A LA MAISON DARRÊT DAMIENS
Le projet né sur le ressort de la juridiction dAmiens a
réuni différents partenaires incontournables : le juge de
lapplication des peines dAmiens, lassociation APRES
chargée du placement à lextérieur, le centre
de soins pour toxicomanes le Mail, le service socio-éducatif de
la maison darrêt dAmiens et le CPAL dAmiens. Lensemble
des partenaires avait déjà élaboré des projets,
ce qui a permis de faciliter la construction de celui-ci.
Lassociation APRES, spécialisée dans la prise en charge
des détenus en placement extérieur, constatait depuis trois
ou quatre ans un taux déchec non négligeable de détenus
en placement à lextérieur (30 %). Très vite,
lassociation a pu se rendre compte que, parmi les détenus
qui sadaptaient mal au régime du placement à lextérieur,
figurait un certain nombre de personnes toxicomanes.
Le placement à lextérieur réalisé à
Amiens est un «aménagement de laménagement de
peines», comme le précise le directeur du centre Le Mail.
En effet, le détenu est, durant lexécution de son
placement à lextérieur, pris en charge avec dautres
détenus par lassociation APRES, qui assure le volet insertion
socio-économique, soit dans le cadre dune formation, soit
dun travail. Mais il sengage à être suivi, en
plus de ses activités, par le centre de soins pour toxicomanes
Le Mail. Lidée est de profiter du cadre juridique (le placement
à lextérieur) pour une prise de contact avec le système
de soins spécialisé, pouvant aboutir à un suivi thérapeutique.
La multiplicité des intervenants nécessite une articulation
importante entre les différents acteurs. Dans ce cadre, un psychologue
a été recruté par lintermédiaire de
crédits obtenus dans le cadre dun contrat action prévention.
Son rôle est dassurer linterface entre les partenaires,
mais aussi dêtre le garant du contrat qui a été
établi par les différents partenaires avec le détenu.
Le service socio-éducatif reste pour sa part garant de lexécution
de la peine.
Dans ce dispositif, le rôle du JAP est important. La rechute dun
détenu nest pas nécessairement suivie dune révocation
systématique. Le magistrat dispose dun rôle dappréciation,
prenant sa décision au cas par cas.
Pour être en phase avec le dispositif, le JAP dAmiens participe
aux synthèses où sont présents lensemble des
porteurs du projet.
Le projet dAmiens a permis de définir à lintérieur
de ce partenariat global le rôle et les champs dintervention
de chacun. La réussite dun tel projet est déterminée
par la coordination des acteurs, nombreux à Amiens.
IX. - LA SEMI-LIBERTÉ : LEXPÉRIENCE
MENÉE AU CENTRE PÉNITENTIAIRE DE LORIENT
Lexpérience qui se déroule au centre pénitentiaire
de Lorient ne touche pas directement un public de détenus toxicomanes.
Cependant, le dispositif mis en place est intéressant, car il permet
dutiliser le cadre de la semi-liberté pour prendre en charge
un public de détenus condamnés en difficulté dinsertion.
On peut tout à fait imaginer la traduction de ce projet auprès
dun public plus spécifiquement toxicomane.
En ce qui concerne la préparation à la sortie et les mesures
daménagement de peines, le juge de lapplication des
peines est personnellement impliqué dans lexécution
de la mesure avec connaissance de toutes les situations.
Les objectifs de la mesure de semi-liberté sont définis
par le JAP. Le JAP met en place au sein du quartier de semi-liberté
du CP de Lorient un système original en deux temps :
- un «module de préparation à la sortie», pendant
lequel des sorties accompagnées sont possibles lorsquun rendez-vous
avec une structure sociale ou de travail est confirmé par écrit
ou par téléphone ;
- une semi-liberté classique.
La seconde spécificité de ce centre est de disposer dun
éducateur mis à disposition par la mission locale, dont
le poste est financé par des crédits de la politique de
la ville et de ladministration pénitentiaire.
Cet éducateur est le pivot de toute lactivité de réinsertion
des personnes détenues. Il est chargé, au cours de la mesure,
daccompagner les détenus dans leurs démarches extérieures.
Mais, compte tenu de ses activités au sein de la mission locale,
il poursuit cet accompagnement lorsque les détenus sont définitivement
libérés. En effet, il nest pas rare quils retournent
à la mission locale lorsquils sont confrontés à
des difficultés. De ce fait, léducateur de la mission
locale constitue un repère non négligeable qui peut à
certains moments prévenir la récidive.
X. - UN DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL : LES UNITÉS
POUR SORTANTS
En 1992, un premier module de préparation à la sortie pour
les toxicomanes a été mis en place à la maison darrêt
de Fresnes. Les résultats positifs constatés dans le cadre
de ce projet ont amené à une extension de lexpérimentation
à sept sites nouveaux dans le cadre du plan gouvernemental du 14
septembre 1995.
Les unités pour sortants ont été mises en place dans
les établissements de Loos-les-Lille, Lyon, Marseille, Nice, Metz,
Strasbourg et à la maison darrêt des femmes de Fresnes.
Il sagit dune initiative dont lobjectif principal consiste
en une approche sociale de la toxicomanie, qui se décline en deux
phases :
- une préparation collective préalable à la sortie
de prison ;
- un accompagnement après la sortie de prison. Elaboré
durant la détention avec les partenaires extérieurs, il
est conçu de manière à assurer la continuité
de la prise en charge et la poursuite du projet individuel.
Ces modules ont vocation à accueillir les détenus les plus
en difficulté dépendants aux substances psychotropes licites
ou illicites.
Ils proposent daborder par un travail en groupe les différentes
problématiques des personnes, sans exclure pour autant un traitement
individuel. Cette approche globale seffectue à partir dun
diagnostic des besoins individuels et de lexamen des situations
pénales. Les actions menées sattachent à permettre
une mise à jour des droits sociaux, une aide à linsertion,
des ateliers de sport, une semaine de travail en groupe par le biais du
théâtre ou de la musique.
Ces actions sappuient sur les ressources déjà existantes
au sein des établissements pénitentiaires (antennes, unités
de consultation et de soins ambulatoires, service médico-psychologique
régional, service pénitentiaire dinsertion et de probation)
pour la préparation et laccompagnement des sortants de prison.
Elles nécessitent donc une mobilisation de tous les services et
des partenaires extérieurs. Linformation sur lexistence
et le déroulement des sessions doit être relayée de
façon efficace au sein de létablissement. Le recrutement
des stagiaires peut seffectuer au niveau régional. Le suivi
à la sortie implique que la date de fin de peine coïncide
le plus possible avec la date de fin de module. Une bonne coordination
entre les services est une garantie de la réussite de la mesure.
Ce dispositif est en cours dévaluation.
|